Modélisation des ionosphères exoplanétaires

Projet d'initialisation à la recherche encadré par Frédéric Pitout à l'IRAP

I - Introduction

Le concept de ionosphère a été proposé et adopté en 1926 par le physicien anglais Robert Watson-Watt. Ce mot est composé de "ion" et de "sphère" qui reprend l'idée du mot "atmosphère". La ionosphère est donc une partie ionisée et complexe dans l'étude des atmosphères. La modélisation des ionosphères est compliquée car nous ne savons que très peu de choses sur leur formation, leur dynamique ainsi que leurs propriétés.

En 1995, les scientifiques Michel Mayor et Didier Queloz ont été les premiers à découvrir la première exoplanète qui orbite autour de "51 Pegasi b". Les progrès technologiques ont permis de comprendre et de détecter plus de 4000 exoplanètes à ce jour. Une exoplanète est une planète en dehors de notre système solaire, qui gravite autour de son étoile. L'étude de ces astres est intéressante pour potentiellement détecter une planète de type terrestre qui abriterait de la vie. Les informations que l'on peut tirer des exoplanètes sont en rapport avec leurs atmosphères, d'où la nécessité d'en comprendre plus sur les ionosphères. Nous espérons ainsi pouvoir détecter ou déterminer par la mesure, le calcul ou par modélisation, si des traces de vie existent dans d'autres systèmes que le nôtre, et si nous pouvons les détecter avec une étude des ionosphères exoplanétaires. Ce sujet est encore difficile à comprendre et les scientifiques n'arrivent pas à appliquer un modèle "type" à n'importe quelle atmosphère des planètes de l'univers.

Nous allons donc, dans ce projet d'initialisation à la recherche, nous intéresser dans un premier temps aux caractéristiques et propriétés que nous connaissons sur les ionosphères. Nous verrons ensuite les différentes méthodes de détection des exoplanètes, à nos jours, et comment nous pouvons déduire de l'observation les différents paramètres essentiels à la compréhension de ces astres. Nous conclurons par l'étude de différents modèles de ionosphère qui existent à ce jour et qui sont applicables à notre Terre ou aux autres planètes du système solaire. Nous détaillerons dans cette partie les différents paramètres à prendre en compte pour les différents modèles, dans l'optique de les critiquer afin de les améliorer pour une compréhension plus précise des ionosphères, et de les ajuster à une potentielle détection de la vie.

II - Qu'est-ce qu'une ionosphère ? 

1 - Définition et origine

L'atmosphère d'une planète est la couche gazeuse qui l'entoure. On peut la subdiviser en plusieurs sous-couches, qui présentent chacune des propriétés différentes.
La ionosphère d'une planète est l'une de ces sous-couches : c'est la couche de son atmosphère caractérisée par une ionisation partielle des gaz. La propriété fondamentale d'une ionosphère est donc qu'elle est constituée par un certain pourcentage d'ions : des atomes ayant perdu ou gagné un ou plusieurs électrons.

L'origine de la ionosphère d'une planète est le rayonnement ultraviolet (UV) de l'étoile. Ce rayonnement énergétique ionise les atomes les plus hauts en altitude dans l'atmosphère puisque les photons solaires ont une énergie suffisante pour ioniser les électrons. On a donc création d'un plasma dans la haute atmosphère. La ionosphère agit ainsi comme un filtre absorbant au rayonnement solaire énergétique : les photons perdent leur énergie dans la ionisation et n'atteignent pas les couches les plus basses de l'atmosphère.

Il existe d'autres processus de ionisation qui ne proviennent pas du rayonnement solaire mais qui sont minoritaires : les collisions élastiques avec d'autres molécules, et l'interaction avec des particules hautement énergétiques (exemple : rayons cosmiques).

2 - Les entrées énergétiques dans les atmosphères

Les atmosphères sont constamment en interaction avec les particules venant de l'espace. La principale source d'énergie externe est celle des photons provenant du Soleil, donc du côté jour de la planète. Les photons d'extrême UV (EUV) ont une longueur d'onde de 2 nm à 105 nm. Ces particules sont difficilement mesurables et les scientifiques appliquent donc des modèles d'activité solaire. Ce flux varie selon la luminosité et l'âge de l'étoile, il est donc difficile d'estimer la quantité de photons EUV qui rentrent en contact avec les atmosphères de chaque planète.

La seconde source d'entrée énergétique dans les atmosphères est la précipitation des électrons. Les étoiles perdent de la masse en éjectant de la matière via le vent solaire. Ce vent solaire emporte des particules chargées, comme des électrons et des protons, le long des lignes de champ magnétique ouvertes. Ces particules sont en moyenne peu énergétiques (pour un vent solaire à 400 km/s, l'énergie moyenne est de 0,5 eV). Quand ce vent solaire croise une planète sur son chemin, ces particules chargées sont accélérées à cause du champ magnétique de la planète (si elle en possède un). Comme ces lignes de champ magnétique planétaire partent et arrivent des pôles, les particules rentrent donc dans l'atmosphère planétaire. On peut observer les conséquences de ces entrées électroniques grâce à la manifestation d'aurores polaires au niveau des pôles (généralement côté nuit). La prise en compte de ces précipitations électroniques est plus compliquée que pour le flux UV car le vent solaire est plus variable en nombre de particules et en puissance.

3 - Caractéristiques de la ionosphère terrestre

La ionosphère de la Terre est la couche la plus grande de son atmosphère : elle est comprise entre 60 km et 800 km d'altitude. Elle comprend la mésosphère, la thermosphère ainsi qu'une partie de l'exosphère. Sa limite supérieure est la magnétosphère, il s'agit donc de la partie la plus haute de l'atmosphère terrestre. Elle est composée de trois couches, selon la propagation du rayonnement.

La couche D, située entre 60 km et 90 km d'altitude, est constituée majoritairement d'ions polyatomiques (comprenant plusieurs types d'atomes). Sa pression moyenne est de 2 Pa et sa température moyenne de -76°C.

La couche E, située entre 90 km et 120 km d'altitude, est constituée principalement de dioxygène et de monoxyde d'azote ionisés. Sa pression moyenne est de 0.01 Pa et sa température moyenne de -50°C.

La couche F est la plus grande, située entre 120 et 800 km d'altitude, elle est subdivisée en une couche F1 et une couche F2. Jusqu'à la couche F1, on se trouve dans le domaine d'équilibre photochimique (PCE) : on a un équilibre entre la production d'ions par rayonnement et la destruction chimique d'ions par réaction de recombinaison. La pression moyenne de la couche F est de 10e-4 Pa et sa température moyenne de 1000°C. Il peut sembler contre-intuitif que la température augmente soudainement à haute altitude : en réalité, la pression est si faible que l'on ressentirait physiologiquement une sensation de froid. L'augmentation de température est due à la recombinaison de l'oxygène ionisé, réaction qui est exothermique (transformation de l'énergie radiative en énergie cinétique et donc thermique).

Le maximum de densité électronique se trouve dans la couche F2, à environ 250-300 km d'altitude : plus haut, il n'y a pas assez d'atomes à ioniser et plus bas, l'ionisation est limitée par l'absorption des photons UV dans les couches plus hautes. La ionsophère varie au cours du temps, au fil des saisons et du cycle de l'activité solaire. La nuit, il n'y a plus de ionisation : la couche D disparaît, les densités électroniques diminuent, ainsi que l'altitude du maximum.

4 - Les ionosphères extraplanétaires

 La Terre présente une spécificité singulière au niveau de ses couches ionosphériques : c'est la seule planète connue possédant une couche F2, c'est-à-dire une densité électronique maximale dans une couche d'ions atomiques à une altitude élevée. Pour les autres planètes possédant une atmosphère, la densité électronique maximale se trouve dans une couche dense d'ions moléculaires à une altitude beaucoup plus basse. 

De plus, cette couche comporte des ions O+ en grande quantité, ce que l'on ne retrouve pas sur les autres planètes. En effet, la présence de cet ion dans l'ionosphère est la signature d'une activité biologique sur la planète (photosynthèse). L'observation de cet ion sur des exoplanètes serait donc le premier biomarqueur plasmique accessible. Cependant, la télédétection exoplanétaire de O+ est compromise pour le moment : les photons UV correspondants sont absorbés par l'hydrogène du milieu interstellaire.

Il existe une forte corrélation entre l'ionosphère terrestre et martienne, mais elle n'est pas parfaite : en présence d'un champ magnétique très faible, les interactions entre ionosphère et vent solaire sur Mars sont du même type que pour l'ionosphère de Vénus. Quant à Mercure, son atmosphère étant presque inexistante, elle ne possède pas de ionosphère.

Les ionosphères des planètes géantes sont très différentes de celles des planètes telluriques : le rayonnement solaire y est beaucoup moins intense. De plus, elles sont majoritairement composées d'hydrogène. 

III - Paramètres et caractéristiques des exoplanètes

1 - La distance à son étoile

Pour déterminer la distance de l'exoplanète de son étoile, il y a besoin de l'observer par transit. On suppose que la vitesse de déplacement de l'exoplanète autour de son étoile est constante. Pendant la durée de son transit dt, l'exoplanète a parcouru une distance égale au diamètre de son étoile. Pendant la durée T, l'exoplanète a parcouru une distance égale au périmètre de son orbite :


La méthode du transit est une méthode photométrique qui vise à détecter indirectement la présence d’une ou plusieurs exoplanètes en orbite autour d’une étoile. Cette méthode permet de mesurer régulièrement la luminosité d'une étoile afin de détecter si la baisse de luminosité est périodique (marqueur d'un passage d'une exoplanète). Lorsque la planète passe devant l'étoile on parle alors de transit primaire et lorsque que la planète passe derrière l'étoile on parle alors de transit secondaire.

La méthode du transit permet de nous donner de nombreuses informations sur la taille, la masse, la masse volumique, la composition chimique, la distance entre l'exoplanète et son étoile, qui ne sont pas déterminables avec la méthode des vitesses radiales. Cependant il est difficile d'observer un transit dans l'univers (rarement plus de 10 % des étoiles que l'on observe). De plus, cette méthode ne fonctionne que si l'étoile, la planète et l'observateur sont alignés; ce qui constitue une condition exigeante. Il est aussi difficile d'observer depuis le sol terrestre une baisse de luminosité de l'étoile inférieure à 1 %, d'où l'observation depuis l'espace (télescope Kepler, Corot, ...).
Un autre gros défaut de la méthode des transits est la fausse détection de passage d'une planète devant son étoile. En effet d'autres phénomènes peuvent diminuer la luminosité d'une étoile, comme l'apparition d'une tâche solaire ou la présence d'un astéroïde ou d'une comète sur la ligne de visée. Il est donc nécessaire d'observer l'étoile sur un temps très long pour voir si il y a une périodicité de la baisse de luminosité, preuve d'une orbite planétaire.

2 - La masse

L'estimation de la masse d'une exoplanète se fait par mesure de la vitesse de l'étoile avec la méthode des vitesses radiales, ou plus précisément par perturbation de la vitesse moyenne de l'étoile.
La vitesse radiale est la projection du vecteur vitesse de l'étoile sur la "ligne de visée" qui joint l'étoile à l'observateur. Cette courbe s'obtient par spectroscopie en utilisant l'effet Doppler-Fizeau : on a un décalage spectral vers les longueurs d’onde plus grandes quand la source et l’observateur s’éloignent l’un de l’autre et à l’inverse vers les longueurs d’onde plus petites quand ils se rapprochent. La vitesse radiale est alors donnée par la relation suivante :

La courbe ainsi reconstituée permet de connaître la période de révolution de la planète ainsi que, par application de la troisième de Kepler, le produit de la masse de la planète par le sinus au cube de l'angle entre le plan de l'orbite de la planète et le plan du ciel. N'ayant pas connaissance de cet angle, on peut supposer qu'il est égal à 90° (plan de l'orbite tangent à la ligne de visée) et obtenir une valeur de la masse. En réalité, nous ne sommes pas forcément dans le plan de l'orbite : nous n'obtenons que la projection de la vitesse dans la direction radiale, ce qui veut dire que la valeur de la masse de l'objet obtenue est sur-estimée.

Par delà la détermination de la masse, c'est la technique des vitesses radiales qui a permis la première détection d'une exoplanète autour d'une étoile ressemblant au Soleil. Cette détection a eu lieu à l'Observatoire de Haute-Provence avec le spectrographe Elodie par les astronomes suisses Michel Mayor et Dider Queloz autour de l'étoile 51 Peg b, qui est la 51-ième étoile la plus brillante de la constellation de Pégase. Cette technique a permis de découvrir à ce jour 755 exoplanètes autour de 558 étoiles.

3 - Le rayon

Le passage récurrent d'une planète devant son étoile provoque une diminution périodique du flux reçu de l'étoile si le système est observé sous un angle adéquat, c'est-à-dire si la planète traverse la ligne de visée de l'observateur. La diminution relative de flux émis par l'étoile dans la direction de l'observateur lors du transit de la planète est :


avec Rp, le rayon de la planète et R_star celui de l'étoile. La largeur et la profondeur de la courbe de luminosité (évolution du flux lumineux au cours du temps) permettent d'avoir des renseignements sur l'exoplanète. En effet, connaissant le spectre de l'étoile, on peut en tirer la valeur de son rayon. 

De plus, on peut estimer directement la taille d'une étoile, en particulier pour celles qui sont sur la séquence principale dans le diagramme de Hertzsprung-Russell, si on connaît sa température et sa gravité de surface (relation masse/luminosité des étoiles). Il existe trois méthodes pour mesurer la gravité de surface d'une étoile :

  • la photométrie : il s'agit de la mesure de la courbe d'intensité lumineuse moyenne à plusieurs longueurs d'onde.
  • la spectroscopie : la largeur des raies des atomes et des molécules dans l'atmosphère d'une étoile dépend de la gravité de surface. Plus la gravité est forte, plus larges sont les raies.
  • l'astérosismologie : les fréquence des ondes sonores qui font varier la luminosité des étoiles sont liées à l'intensité de la gravité. En les mesurant, on peut obtenir une estimation de la force de gravitation en surface.
    Il existe également un lien entre la variation de luminosité et le champ magnétique.

4 - La composition chimique

Pour connaître directement la composition chimique des exoplanètes il faut pouvoir analyser un spectre, ce qui est difficile puisque l'étoile occulte l'éclat de la planète dans la majorité des cas. Pour obtenir ce spectre lorsque cela est possible, il est nécessaire d'observer la planète depuis un télescope, par la méthode de coronographie ou par émission directe de la planète. On a détecté une centaine d'exoplanètes environ par cette méthode. Il est possible d'obtenir des spectres par transit primaire grâce à la lumière stellaire transmise à travers l'atmosphère de l'exoplanète ou par transit secondaire grâce à la lumière réfléchie par la planète. En étudiant les raies d'absorption sur le spectre nous pouvons analyser les éléments présents dans l'atmosphère de la planète.


Il faut néanmoins faire attention car il y a très souvent du "bruit" qui peut être mélangé aux autres raies d'absorption dans notre spectre. Ce bruit peut provenir de poussières interstellaires captées sur la ligne de visée et comme les raies que nous captons de la planète sont très peu intenses, il est possible de mal déterminer la composition de l'atmosphère des exoplanètes. Toutefois, il s'agit pour le moment de la seule méthode possible pour déterminer de la composition des atmosphères des exoplanètes.

5 - La température du sol

L'évolution des technologies nous permettent aujourd'hui de mesurer directement la lumière provenant des exoplanètes. Le premier télescope spatial à l'avoir fait est Spitzer (lancement en 2003 par la NASA) en mesurant la température de HD 209458 b en 2005. Pour déterminer la température au sol d'une exoplanète, il faut pouvoir mesurer le flux électromagnétique du système étoile-planète lors d'un transit secondaire. Pour obtenir un spectre de l'exoplanète seule, il "suffit" de soustraire le flux de l'étoile seule (lorsque la planète passe derrière l'étoile) au flux total. On peut ainsi de cette manière obtenir un spectre d'une exoplanète, qui nous servira à déterminer sa température.

En effet, en considérant que la planète se comporte comme un corps noir (objet idéal qui absorbe parfaitement toute l'énergie électromagnétique qu'il reçoit), on peut utiliser la loi de Wien qui relie la longueur d'onde correspondant au maximum du flux électromagnétique à la température de l'objet. On peut alors avoir une estimation de la température de la planète par mesure de la longueur d'onde correspondant au maximum d'émission, une fois le spectre obtenu. Il s'agit d'une estimation puisqu'on mesure la température de brillance de la planète, en considérant qu'elle se comporte parfaitement comme un corps noir. Or en réalité, ce n'est pas forcément le cas. Par exemple, les planètes possédant un fort albédo (fraction de lumière réfléchie par le corps) ne se comportent pas du tout comme des corps noirs et leur estimation de leur température est complètement faussée.

6 - La vitesse de rotation

La mesure de la vitesse de rotation des planètes du système solaire a été effectuée en utilisant l'effet Doppler-Fizeau. En effet, le décalage en longueur d'onde généré par la planète peut être visible en ayant une bonne résolution spectrale. Certaines raies du spectre sont inclinées : le bord de la planète qui s'approche de nous voit son spectre décalé vers les longueurs d’onde plus petites et inversement pour le bord de la planète qui s'éloigne de nous.


La vitesse de rotation de la planète à l'équateur peut donc être connue en mesurant le décalage Doppler delta lambda aux bords des raies inclinées et en utilisant la relation suivante :


Cependant, cette méthode ne s'applique pas pour le moment aux exoplanètes puisque la résolution spectrale n'est pas suffisante pour mesurer un décalage spectral aussi faible. Il existe toutefois des méthodes indirectes permettant de la retrouver. L'une de ces méthodes consiste à mesurer l'aplatissement des planètes en rotation rapide, puisqu'elle est principalement due à leur vitesse de rotation (première mesure sur HD 209458 b en 2010). Le principe est de mesurer la courbe de lumière d'une exoplanète (aplatie) en transit et de la comparer à une courbe de rotation idéale pour une exoplanète parfaitement sphérique, pour en déduire son aplatissement et ainsi sa vitesse de rotation.

7 - Le champ magnétique

La détection et la caractérisation du champ magnétique planétaire sont réalisés en suivant les atomes de carbone ionisés formés dans l'atmosphère de la planète. Ces atomes sont capturés par le champ magnétique et leur détection à grande distance de la planète permet de tracer les propriétés du champ magnétique. Cependant, un magnétomètre ne fonctionne pas à distance : il ne capte que le champ magnétique du lieu où il se trouve uniquement. 

Toutefois, on peut utiliser l'effet Zeeman car le champ magnétique va perturber la lumière qui le traverse. Il la polarise suivant son sens et son intensité. Détecter le rayonnement émis par un astre permet alors de cartographier son champ magnétique. Cependant, cette méthode présente deux défauts majeurs :

  • Elle dépend du pouvoir de résolution des télescopes (la détection est plus complexe pour les étoiles situées en dehors de la Voie Lactée, qui tiennent dans un pixel).
  • Elle ne permet de détecter que les champs intenses, donc les planètes à faible magnétisme et les nuages interstellaires restent hors de portée.

Le réseau de radiotélescopes LOFAR est un nouvel atout pour la détection des champs magnétiques d'exoplanètes. Ce radiotelescope peut accéder pour la première fois aux très basses fréquences grâce à ses 3000 antennes basse fréquence réparties dans toute l’Europe. La signature radio de Jupiter a dans un premier temps servie pour la calibration, puis il a été testé sur 3 exoplanètes éloignées de 40 à 100 années-lumière. Un premier signal radio entre 10 et 30 MHz provenant de l’une d’entre elles a déjà été détecté.

"Ce sont les particules émises par l’étoile et prises dans le champ magnétique de la planète qui émettent des signaux radio à basse fréquence. Grâce à ce nouvel outil, nous allons avancer dans la connaissance des exoplanètes. Le magnétisme est une propriété fondamentale, car il forme une sorte de bouclier protecteur autour de la planète qui la protège contre les rayons cosmiques. Pour cette raison, il est un des facteurs d’habitabilité indispensable pour une planète. Bien sûr, ce n’est pas le seul, il faut également une température clémente, une atmosphère, la présence d’eau… En installant des Lofar sur la Lune, nous pourrions peut-être trouver une petite sœur à la Terre" d'après Sophie Nicaud.

IV - Modélisation et variations des paramètres appliqué aux ionosphères des exoplanètes

Il existe différents types de modèles possibles pour simuler les ionosphères des planètes telluriques ou gazeuses. Il existe des modèles très simples pour comprendre la cinématique des atmosphères mais ces modèles ne prennent pas en compte tous les paramètres de la réalité. Il est donc difficile de créer un modèle universel et complet pour toutes les ionosphères de l'univers.

1 - Modèle pression-température

Il est souvent le plus utilisé et le plus compréhensible pour les scientifiques. Ce modèle apporte des informations sur le profil de température et de pression en fonction de l'altitude de l'atmosphère en question. Grâce aux profils (P,T) nous pouvons analyser les différentes couches de l'atmosphère. Ces atmosphères sont dîtes normalisées. Ces valeurs varient en fonction du lieux sur la planète, du relief, de l'ensoleillement, de l'humidité, du vent et des courants marins. Le profil vertical de la température détermine l'existence des nuages et des pluies sur la planète étudiée.


2 - Modèle de Gouy-Chapman

Comme pour le modèle pression-température, le modèle de Gouy-Chapman est très utilisé pour sa simplicité. Il s'agit d'un modèle de la distribution verticale de la densité électronique dans l'atmosphère. On considère que l'atmosphère se comporte comme un gaz parfait, et que l'on se place dans le cas du domaine PCE (défini en section II.3). D'après ces hypothèses, la variation de concentration électronique est régie par une équation différentielle dont la solution serait :


Avec Nm la valeur maximale de la concentration électronique, H = RT/gM le facteur d'échelle et z0 l'altitude minimale. Les principaux paramètres à faire varier dans ce modèle seraient ainsi la température de l'atmosphère, la gravité de la planète et la masse molaire du principal constituant chimique. La valeur maximale de la concentration électronique dépendrait elle aussi des mêmes paramètres, mais aussi du coefficient de recombinaison des ions, du flux thermique reçu par la planète et des sections efficaces des réactions.

3 - Modèle cinétique 1D

Dans ce modèle, on y retrouve les propriétés globales des ionosphères mais elles n'expliquent ni les nuages, ni les conditions locales. Le modèle en 1D repose sur le transport des électrons dans l'atmosphère en adoptant le formalisme classique de Boltzmann. Ils sont définis par la fonction de distribution dans l'espace des phases. Le nombre total de particules N dans le système est alors l'intégrale sur le volume total de l'espace V de la fonction de partition :


L’évolution du système est alors décrite en écrivant l’équation de continuité de la fonction de distribution :


Avec Q qui est la fonction "source" qui regroupe les termes de diffusions et de création. Après une expression analytique du terme source, on atterrit sur une équation de transport qui peut-être résolue numériquement si l'on prend en compte certaines hypothèses de départ :

  • L’atmosphère est supposée plan-parallèle, stratifiée perpendiculairement à la verticale du lieu considéré.
  • L’état de l’ionosphère est supposé stationnaire.
  • Le mouvement des particules chargées se fait dans le cadre de l’approximation centre-guide (le mouvement d’une particule chargée est assimilé à celui de son centre de giration).
  • Les autres forces macroscopiques, comme les champs électriques ou la pesanteur sont négligées.
  • Une approximation est faite dans le traitement des collisions inélastiques, puisqu’on considère que l’électron incident n’est pas dévié.


Les entrées de départ du code sont le flux solaire en EUV, les précipitations électroniques et le modèle d'atmosphère neutre (en jaune et en bleu clair). Les modules de calcul sont la photoionisation et le transport cinétique (en bleu foncé). Nous avons au final accès au taux de production des espèces ionisées et des électrons dans la haute atmosphère. Le code Transplanète de l'IRAP permet de résoudre ces équations et de déterminer toutes les informations nécessaires aux atmosphères de Vénus, la Terre, Mars et Jupiter. L'objectif est de pouvoir appliquer un code universel pour toutes les planètes de l'univers. Nous avons donc besoin des informations suivantes :

  • la distance entre la planète et son étoile
  • la masse de la planète
  • le rayon de la planète
  • la composition chimique de l'atmosphère
  • la température au sol
  • la vitesse de rotation autour de son axe
  • son champ magnétique

Ce programme existe à l'IRAP (Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie) à Toulouse en langage Fortran, qui est un langage utile pour les calculs scientifiques et applicable sur des ordinateurs personnels ou des super-ordinateurs. Une visite était prévue avec notre encadrant Fréderic Pitout à l'IRAP pour étudier ce programme et faire varier différents paramètres, afin de comprendre les étapes clés de la modélisation de l'ionosphère. Par manque de temps et par manque de disponibilités de notre encadrant et de nous en tant qu'étudiant, nous n'avons pas pu étudier ce programme.

4 - Modèle GCM en 3D (Global Climate Models)

Le modèle GCM est une représentation mathématique complexe des principales variations météorologiques sur les planètes (atmosphère, surface, océan, glace, vents, marées, ..). Dans ce modèle on y traite :

  • La composante atmosphérique, simulation des nuages, de l'aérosol qui transporte la chaleur et de l'eau si il y en a sur les planètes.
  • La composante de la surface, simulation de la végétation, de la neige, de l'eau, des rivières et du stockage de carbone.
  • La composante océanique, simulation des marées, des courants, de la chaleur et du carbone dans les climats.
  • La composante glace de mer, simulation de l'absorption du rayonnement solaire et des interactions terre-mer.


Ce modèle permet de comprendre pour chaque planète la dynamique atmosphérique. On peut aussi mieux comprendre les climats et certains évènements réguliers dans les atmosphères et aussi les prédire. Une critique peut être faite sur les nuages et les phénomènes de convection car ils contiennent des paramètres libres qui sont adaptés à la Terre et cela peut-être une source d'incertitude dans l'évaluation des climats des exoplanètes.

Nous pouvons essayer d'améliorer ce modèle en améliorant sa précision et sa résolution. Nous pouvons dans le cas de la Terre prendre en compte le cycle carbone terrestre et océanique, les interactions entre gouttelettes de nuages et aérosol, des calottes glaciaires, .. La modélisation d'un système à l'échelle d'une planète demande une importante puissance de calcul. Des simplifications dans le code peuvent sûrement être faites, pour alléger le temps de calcul, mais au risque d'être moins précis. Il est possible de faire des simulations sur des sites en particulier pour alléger la puissance de calcul et être précis d'un point de vu régional.

L'objectif ultime sur lequel les chercheurs travaillent actuellement est de mettre au point un modèle 3D capable de simuler le climat pour n'importe quelle atmosphère (composition chimique, proportion de nuages et d'aérosols), pour n'importe quelle planète autour de n'importe quelle étoile. Sur ce chemin, la principale difficulté concernent aujourd'hui la simulation des nuages et de leurs effets. Un nuage d'un objet est compliqué à modéliser car sa formation, son déplacement, son effet sur l'atmosphère mettent en jeu des échelles très différentes, avec de nombreux couplages (ce qui se passe à une échelle influe ce qui se passe à une autre échelle).

V - Conclusion

Les ionosphères ont une dynamique particulière : il faut prendre en compte de nombreux paramètres pour pouvoir les caractériser, ce qui rend leur modélisation complexe. La détection des exoplanètes a évolué avec le temps et nous essayons aujourd'hui d'en détecter le plus possible afin de pouvoir étudier les caractéristiques de chacune d'entre elles. Regrouper toutes ces informations nécessite de longues étapes avant d'acquérir toutes les données nécessaires pour une bonne modélisation. De plus, nous sommes contraints par la technologie et la puissance de calcul des ordinateurs. Néanmoins, nous avons vu des modèles qui sont réalisables et qui prennent en compte les principales propriétés des ionosphères appliquées à différentes planètes. Les planétologues attendent avec impatience les premiers résultats du JWST (James Webb Space Telescope) et militent pour la sélection du programme Ariel dont l'objectif est de réaliser un catalogue de plusieurs centaines d'atmosphères d’exoplanètes.

Par ailleurs, les espèces vivantes transforment leur environnement, en éjectant des gaz spécifiques : gaz carbonique et méthane (sous-produit de la décomposition des organismes). L'oxygène est un sous produit de la photosynthèse : la présence massive d’O2 et d’H2O peut indiquer une planète où une vie basée sur la chimie du carbone s'est développée. Sur Terre, l'ozone O3 est apparu rapidement, et est un bon traceur de O2. Donc en observant l'atmosphère des exoplanètes lors d'un transit, on peut espérer y reconnaître un spectre typique de celui de la Terre. Ce sont les objectifs des missions Darwin/ESA et TPF/NASA (Terrestrial Planet Finder).

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