I - Introduction
I.1 - Contexte de l’étude
Dans le contexte mondial du réchauffement climatique, l’étude des feux de forêt à travers le monde devient de plus en plus importante. En effet, parvenir à identifier clairement les zones brulées permet de réduire la durée de l’arrivée des secours dans les zones sinistrées. Par ailleurs, l’étude mondiale de la propagation des feux de forêts permet de mieux comprendre les phénomènes physiques à l’origine des feux de forêts et d’en comprendre la dynamique sur des échelles régionales, nationales et continentales.
I.2 - Objectif de l’étude
L’objectif de cette étude est de calculer et d’évaluer la surface des zones brûlées en Afrique et en Amérique du Sud durant l’année 2022. Ces calculs seront mis en corrélation avec les données d’émissions de monoxyde de carbone fournies par les satellites Firms et Mopitt.
I.3 - Plan de l’étude
Dans le cadre de cette étude, nous expliquerons les phénomènes physiques à l’origine des feux de forêt, puis nous présenterons les caractéristiques des satellites d’observation des feux de forêt et de leurs instruments, ensuite nous décrirons les données d’observation et enfin, les méthodes que nous avons utilisées pour lire et analyser ces données.
II - La physique des feux de forêts
II.1 - La molécule CO
La molécule de monoxyde de carbone (CO) est composée d’un atome de carbone et d’un atome d’oxygène. Ce corps est à l’état gazeux dans les conditions terrestres de température et de pression. Ce gaz est incolore, inodore et très peu soluble dans l’eau mais provoque environ 300 décès en France dû à une intoxication au monoxyde de carbone.
a) Formation chimique du CO
La molécule de CO se forme lors de combustions incomplètes, quand le foyer du feu n’a pas assez d’oxygène. Lorsque la température est maintenue au-delà de 950°C, le monoxyde de carbone se forme à partir du dioxyde de carbone selon l’équilibre de Boudouard :

On retrouve sur Terre une petite partie du monoxyde d’origine géologique, qui provient de la combustion des ressources fossiles (charbon, pétrole, ...), mais l’essentiel provient des feux de biomasse. Ces feux sont généralement d’origine naturelle souvent en lien avec les saisons et les orages mais il faut aussi prendre en compte que les humains utilisent le feux pour l’agriculture, la déforestation, tabagisme, ...
b) Détection dans l’atmosphère
Nous avons vu que la molécule de monoxyde de carbone était formée sous forme de gaz et est donc très volatile. Il est possible de la détecter via des données satellites car elle peut se situer en grande quantité entre 3.5 km et le sol. Il est possible aussi d’en détecter dans la troposphère (entre 8 et 15 km), mais à des concentrations beaucoup plus basses.

Figure 1 – Spectre d’absorption issu d’une spectroscopie infrarouge de plusieures molécules. On remarque que la molécule CO a plusieurs bandes spectrales d’absorption. Crédit : Borzuya University (Belgique)
Il est donc nécessaire de prendre des données de satellites d’observation de la Terre qui observent dans l’infrarouge (voir Section III) afin de suivre la concentration en monoxyde de carbone. La détection de la molécule CO dans la troposphère repose sur la capacité des instruments à mesurer les variations d’intensité lumineuse causées par l’absorption spécifique du CO dans l’atmosphère terrestre dans l’infrarouge moyen (3 à 5 µm) et l’infrarouge lointain (5 à 15 µm).
II.2 - Les feux en Afrique et en Amérique du Sud
a) L’Afrique et l’Amérique du Sud dans un monde qui brûle
Sur Terre, il y a toujours un endroit qui brûle. Ici nous nous intéressons plus particulièrement à l’Afrique et à l’Amérique du Sud. Ce choix de région n’est pas un hasard car ces deux continents abritent certaines des plus vastes étendues de forêts tropicales au monde, notamment l’Amazonie en Amérique du Sud et le bassin du Congo en Afrique centrale. Ces forêts sont d’une importance cruciale pour la régulation du climat mondial, la biodiversité et le maintien des cycles hydrologiques régionaux et mondiaux.
Ensuite, ces régions connaissent des niveaux élevés d’activité de déforestation et d’incendies de forêt, souvent liés à des pratiques agricoles non durables, à l’expansion des frontières agricoles, à l’exploitation forestière illégale et à d’autres activités humaines. Cette activité accrue de déforestation et d’incendies de forêt peut entraîner une augmentation des émissions de CO et d’autres gaz à effet de serre, ce qui peut avoir des répercussions significatives sur le changement climatique et la qualité de l’air à l’échelle mondiale.
Enfin, ces deux régions présentent des caractéristiques géographiques et environnementales
uniques qui peuvent influencer la fréquence, l’intensité et la distribution des feux de forêt. Par
exemple, l’Amazonie est connue pour son climat tropical humide (voir Section II.2.c), tandis que certaines parties de l’Afrique, comme la savane sahélienne, sont sujettes à des conditions de sécheresse
et de variabilité climatique (voir Section II.2.b).
b) L’Afrique
L’Afrique possède une grande diversité des écosystèmes et des conditions climatiques très particulières. Par exemple, dans la savane africaine, les feux sont une partie naturelle du cycle écologique et sont souvent déclenchés par la foudre pendant la saison sèche. Ces feux jouent un rôle important dans le maintien de la santé des écosystèmes en éliminant la végétation morte et en favorisant la régénération des plantes.
Cependant, les activités humaines telles que l’agriculture sur brûlis et la déforestation contribuent également de manière significative aux feux de forêt en Afrique. Ces feux peuvent souvent échapper à tout contrôle et se propager rapidement en raison des conditions climatiques sèches et venteuses, menaçant les habitats naturels, la biodiversité et les moyens de subsistance des populations locales.
Notamment le Sahel qui est une vaste région africaine semi-aride séparant le désert du Sahara
au nord et les savanes tropicales au sud, présente de nombreux feux d’origine agricole. Des millions de personnes vivent dans cette région, y compris des groupes nomades qui suivent leur bétail
pendant que les animaux passent à travers le pays. Lorsque les animaux ont fini de se nourrir dans
une zone, les nomades brûlent la terre pour la défricher et la préparer pour la prochaine saison de
croissance et de pâturage. À leur apogée, de nombreux petits incendies peuvent se produire sur
une largeur de quelques dizaines à plusieurs centaines de mètres seulement, et ces incendies sont
souvent détectés par les capteurs embarqués sur les satellites d’observation de la Terre.

Figure 2 – Les populations nomades vivant dans la région semi-aride du Sahel pratiquent un type d’élevage saisonnier appelé pastoralisme. La pratique consiste à laisser leurs troupeaux se nourrir et migrer de pâturage en pâturage, puis à brûler les zones pâturées pour favoriser leur rajeunissement pour l’année suivante. Crédit : Dominique Mercier/Photos Alternatives à l’eau/Flickr
Le brûlage des terres agricoles augmente pendant la saison sèche d’octobre à mai car il y a une baisse de l’humidité du sol, de l’évaporation et de la végétation au cours de la saison humide suivante. Comme les terres cultivées augmentent, cela signifie qu’il y a davantage de brûlages, car le feu est le principal outil pour défricher les terres dans ces régions d’Afrique.
c) L’Amérique du Sud
L’Amérique du Sud abrite la plus grande forêt tropicale du monde, l’Amazonie, qui est souvent surnommée "le poumon de la Terre" en raison de son rôle crucial dans la régulation du climat mondial et de la production d’oxygène. Les feux de forêt en Amazonie sont souvent déclenchés par des activités humaines telles que la déforestation, l’expansion agricole et l’exploitation forestière, ainsi que par des conditions météorologiques extrêmes telles que les sécheresses prolongées et les vagues de chaleur.
Ces feux peuvent avoir des répercussions dévastatrices sur la biodiversité, les écosystèmes et les
communautés locales qui dépendent des ressources forestières pour leur subsistance. De plus, les
feux de forêt en Amazonie peuvent également entraîner des émissions massives de CO et d’autres
polluants atmosphériques, ayant ainsi un impact significatif sur la qualité de l’air et le changement
climatique à l’échelle régionale et mondiale.

Figure 3 – Vue aérienne d’un feu de forêt en Amazonie brésilienne au sud de Novo Progresso au Brésil, en août 2020. Crédit : CARL DE SOUZA 2019 AFP
Il y a depuis quelques années, une tendance tragique à la destruction de la forêt amazonienne depuis que Jair Bolsonaro est devenu président du Brésil en 2019. Il faut savoir que les incendies en Amazonie sont souvent déclenchés intentionnellement. Beaucoup de ceux qui déclenchent des incendies sont des accapareurs illégaux de terres, enhardis par les politiques anti-environnementales du gouvernement de Bolsonaro. Ils brûlent les forêts pour défricher les terres à d’autres fins, comme l’élevage de bétail, la culture d’aliments pour animaux ou l’exploitation forestière illégale.
III - Les satellites du système LANCE-FIRMS
LANCE-FIRMS (Fire Information for Ressource Management System) est un système d’information des données de feux actifs pour la surveillance et les applications en temps quasi réel. NASA-FIRMS utilise les observations satellite des instruments Terra-MODIS (ModerateResolution Imaging Spectroradiometer), voir Section a, et Suomi NPP-VIIRS (Visible Infrared Imaging Radiometer Suite), voir Section III.1, pour détecter les incendies actifs et les anomalies thermiques et fournir ces informations en temps quasi réel. FIRMS a été développé à l’origine par l’Université du Maryland, avec des fonds du programme des sciences appliquées de la NASA et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Il a été transféré au projet NASA-LANCE (Land, Atmosphere Near real-time Capability for EOS) en 2012.
III.1 - L’instrument Suomi-VIIRS
L’instrument VIIRS (Visible Infrared Imaging Radiometer Suite) est fabriqué par la société Raytheon et collecte des images visibles et infrarouges ainsi que des observations globales de la terre, de l’atmosphère, de la cryosphère et des océans. Actuellement en vol sur les missions satellitaires Suomi NPP et NOAA-20, les instruments VIIRS acquièrent des données sur la couverture de neige et de glace, les nuages, le brouillard, les aérosols, les incendies, les panaches de fumée, la poussière, la santé de la végétation, l’abondance du phytoplancton et la chlorophylle.
VIIRS a une largeur de fauchée de 3 060 km à l’altitude moyenne du satellite de 829 km. Cette
largeur de fauchée est capable de fournir une couverture complète de la Terre tout au long de la
journée. L’instrument VIIRS peut collecter des données dans 22 bandes spectrales différentes du
spectre électromagnétique, dans des longueurs d’onde comprises entre 0,412 µm et 12,01 µm. La
bande Jour/Nuit VIIRS fournit également des images nocturnes.

Figure 4 – Instrument VIIRS en laboratoire Crédit : STAR JPSS
III.2 - Le satellite Terra
Le satellite Terra de la NASA, lancé en 1999 dans le cadre du programme Earth Observing System (EOS), est un élément essentiel dans l’étude des feux de forêt et de leurs interactions avec l’atmosphère terrestre. Équipé d’une série d’instruments avancés, Terra fournit des données cruciales pour surveiller les feux de forêt à l’échelle mondiale et comprendre leurs impacts sur l’environnement. Terra est sur une orbite polaire circulaire héliosynchrone qui va du nord au sud (du côté diurne de la Terre) avec une période de 99 minutes. Le satellite fait 6.8 m de long et 3.5 m de large. Le satellite a été mis en orbite à une altitude de 705 km avec une inclinaison de 98.5°. Terra embarque cinq instruments (voir Figure 5) utilisés pour surveiller l’état de l’environnement de la Terre et l’évolution de son climat.

Figure 5 – Schéma du satellite Terra avec emplacement des cinq instruments. Crédit : NASA
L’un des instruments clés à bord de Terra est le MODIS (Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer), qui fournit des images à haute résolution spectrale de la surface terrestre. En ce qui concerne l’étude des feux de forêt, MODIS est capable de détecter les incendies en temps quasi-réel et de cartographier leur étendue et leur intensité (voir Section III.2.a).
En plus de son instrumentation d’imagerie, Terra est équipé d’instruments tels que le spectromètre imageur de résolution moyenne (MISR) et le spectromètre imageur de rayonnement à balayage (ASTER), qui fournissent des mesures détaillées des propriétés atmosphériques telles que les aérosols, les gaz à effet de serre et les polluants atmosphériques. Ces données sont précieuses pour évaluer les émissions de CO et d’autres polluants associés aux feux de forêt, ainsi que pour étudier les processus de transport et de dispersion des polluants dans l’atmosphère.
L’instrument MOPITT (Mesure de la pollution dans la troposphère), à bord du satellite Terra
joue un rôle essentiel dans notre étude sur les feux de forêt car il va fournir des données précieuses
sur les concentrations de CO dans la troposphère et va nous permettre d’évaluer l’impact des
incendies sur la qualité de l’air et l’environnement (voir Section III.2.b).
a) L’instrument MODIS
MODIS (Spectroradiomètre Imageur à Résolution Modérée) est un instrument clé à bord des satellites Terra et Aqua (autre satellite d’observation de la Terre mais qui étudie le cycle de l’eau). Terra MODIS et Aqua MODIS observent la surface entière de la Terre tous les 1 à 2 jours, acquérant des données dans 36 bandes spectrales ou groupes de longueurs d’onde. Ces données améliorent notre compréhension de la dynamique et des processus globaux se produisant sur terre dans la basse atmosphère.
L’instrument MODIS offre une sensibilité radiométrique élevée (12 bits) dans 36 bandes spectrales allant de 0,4 µm à 14,4 µm. Deux bandes sont imagées à une résolution nominale de 250 m au nadir, avec cinq bandes à 500 m et les 29 bandes restantes à 1 km. Un modèle de balayage de plus ou moins 55 degrés sur l’orbite EOS de 705 km permet d’obtenir une fauchée de 2 330 km et offre une couverture mondiale tous les un à deux jours.
MODIS est capable de détecter les feux de forêt grâce à sa capacité à capturer des images à
haute résolution spatiale sur une large gamme de longueurs d’onde, allant de l’infrarouge thermique
à l’infrarouge proche et visible. Cette capacité lui permet de repérer la chaleur émise par les feux
de forêt et de les identifier même à travers les nuages et la fumée.

Figure 6 – Instrument MODIS en laboratoire. Crédit : NASA
b) L’instrument MOPITT
L’instrument MOPITT (Mesure de la pollution dans la troposphère) est conçu pour améliorer notre connaissance de la basse atmosphère et observer comment elle interagit avec les biosphères terrestres et océaniques. L’intérêt spécifique de MOPITT porte sur la distribution, le transport, les sources et les puits de monoxyde de carbone dans la troposphère. Le monoxyde de carbone, expulsé des usines, des voitures et des incendies de forêt, entrave la capacité naturelle de l’atmosphère à se débarrasser des polluants nocifs.
MOPITT est l’un des premiers instruments satellite à utiliser la spectroscopie par corrélation de gaz. L’instrument mesure le rayonnement émis et réfléchi par la Terre dans trois bandes spectrales. Lorsque cette lumière pénètre dans le capteur, elle emprunte deux chemins différents à travers des conteneurs de monoxyde de carbone embarqués. Les différents chemins absorbent différentes quantités d’énergie, entraînant de légères différences dans les signaux résultants qui sont en corrélation avec la présence de ces gaz dans l’atmosphère.
La résolution spatiale de MOPITT est de 22 km au nadir et il observe la Terre dans des bandes
de 640 km de large. De plus, il peut mesurer les concentrations de monoxyde de carbone dans des
couches de 5 km de profondeur dans une colonne verticale de l’atmosphère, afin de retracer le gaz
jusqu’à ses sources.

Figure 7 – Instrument MOPITT en laboratoire. Crédit : NASA
III.3 - Récupération des données
a) Les données LANCE-FIRMS
Les données FIRMS nous ont permis d’obtenir des fichiers .csv contenant le nombre de feux et leur intensité lumineuse par zone géographique donnée sur un intervalle de temps défini. Nous prenons donc les données de l’année 2022 (par jours, par semaine et par mois) du monde entier grâce à l’instrument MODIS (voir Section III.2.a) et de l’instrument VIIRS (voir Section III.1). Ces données sont facilement récupérable sur le site du projet LANCE-FIRMS créé par la NASA (voir Référence [1]).
b) Les données MOPITT
Les données avec l’instrument Mopitt, nous fournirons des cartes par mois et par jour de concentration de la molécule CO sous la forme de fichiers en .he5 du monde entier. Nous prendrons donc les 12 mois de l’année 2022 (11 fichiers car pas de données sur le mois de mai) afin de pouvoir les comparer aux données de feux. Ces données sont facilement récupérable sur le site Terra-Mopitt (voir Réference [5]).
c) Les codes de corrélation
Pour faire la corrélation entre les données de MODIS et de MOPITT, nous avons créer plusieurs codes. Un code qui permet de faire une animation du nombre de feux par semaine, puis de compter les feux entre VIIRS et MODIS sur tout le jeu de donnée. Ce code permettra ensuite de montrer le nombre de feux détecté par jours par les deux instruments en Afrique et en Amérique du Sud. Un autre code, qui lui, permet d’obtenir la comparaison entre le nombre de feux détecté par jour et par mois par MODIS et la quantité de CO détecté par jour et par mois par MOPITT. Et pour finir la corrélation de ces résultats, nous fournirons des images de données de l’émission de CO, du nombre de feux et de la brillance pour une semaine, un mois ou un jour donné du monde.
IV - Interprétation des données
IV.1 - Résultats observationnels
a) Un monde qui brûle à chaque instant
Comme nous l’avons vu dans la Section II.2.a, il y a à chaque instant un endroit qui brûle sur Terre. Les incendies sont un phénomène naturel et humain répandu sur terre, alimenté par une combinaison de facteurs naturels tels que la foudre et les conditions météorologiques, ainsi que par des activités humaines telles que la déforestation et l’agriculture. Si nous prenons n’importe quel jour de l’année 2022, les instruments MODIS et VIIRS détecteront à chaque fois plusieurs feux. Nous décidons donc de compter tous les feux détectés par ces satellites dans le monde et voir l’évolution au cours de l’année 2022 (voir Figure 8).

Figure 8 – Graphique montrant l’évolution du nombre de feux détectés par jour par l’instrument MODIS sur l’année 2022.
Nous pouvons remarquer que le nombre de feux détectés dans le monde varie selon les jours et les mois de l’année 2022. Il y a beaucoup plus de feux durant la période Juin/Septembre que le reste de l’année. Cela peut-être expliqué grâce aux saisons. En effet, dans de nombreuses régions du monde, les mois de juin à septembre correspondent à la période estivale ou à la saison sèche. Pendant cette période, les températures sont plus élevées, l’humidité est plus basse et les précipitations sont moins fréquentes. Ces conditions météorologiques créent un environnement plus propice à l’apparition et à la propagation des incendies. Les mois d’été correspondent aussi à la pratique agricole du brûlis, où les agriculteurs brûlent les résidus de récoltes et les débris végétaux pour préparer les champs pour la prochaine saison de culture. Les vents arides et sec peuvent aussi entraîner une perte de contrôle de certains feux et ainsi avoir des feux sur de plus grands espaces.
Nous pouvons aussi remarquer qu’il y a aucun jour où l’on ne détecte pas un feux, ce qui nous
montre bien que nous sommes dans un monde qui brûle à chaque instant.
b) Variation saisonnière des feux de forêts en Afrique et en Amérique du Sud
Nous allons maintenant essayer de montrer la variation saisonnière des emplacements des feux détectés par l’instrument MODIS. Les incendies de l’hémisphère Nord, dans les savanes au sud du désert du Sahara et dans les forêts tropicales humides juste au nord de l’équateur, ont lieu de décembre à avril. L’emplacement des feux se déplace progressivement vers le sud avec la saison sèche au cours de l’année, bien que les incendies soient rares dans la zone humide du bassin du Congo, aux latitudes équatoriales. La combustion dans l’hémisphère sud en Afrique commence vers le mois de mai dans la partie occidentale du continent, autour de l’Angola et dans la partie sud de la République démocratique du Congo, et se propage ensuite vers le sud, à l’est et le long de la côte est. On estime qu’environ 90 % de la biomasse brûlée en Afrique résulte des incendies de savane.

Figure 9 – Variations saisonnières des détections des feux avec MODIS sur l’année 2022.
Sur le continent africain, on constate qu’il y a un déplacement des feux au cours des différentes saisons du Nord au Sud. En été, les feux sont majoritairement concentrés dans la moitié sud du continent, alors qu’en hiver, la majorité des feux sont concentrés en Afrique centrale. En automne, les feux sont présents sur l’ensemble du continent, et au printemps, ils sont également présents sur l’ensemble du continent mais avec une concentration moins élevée. L’explication physique de ce phénomène est liée à des phénomènes météorologiques. En effet, les orages saisonniers forment des éclairs qui peuvent créer des incendies. Comme vu précédemment, les mois d’été correspondent aux mois de pratique agricole et donc une augmentation de la concentration des feux dans les régions d’Afrique.
En Amérique du Sud, on observe le même phénomène saisonnier mais en moins marqué (car
pas de savane mais de grandes forêts tropicales humides). Les feux des régions d’Amérique du Sud
sont plus causées par la présence humaine (déforestation, agriculture, ...) que par les conditions
météorologiques. Ceci explique que l’on voit une variation de l’emplacement des feux moins marqués
qu’en Afrique.
c) Localisation approximative entre MODIS et VIIRS
Un autre facteur déterminant dans la manière dont les incendies apparaissent sur la carte des incendies du système FIRMS est la combinaison de sources de données utilisées pour les tracer.
En effet, les données FIRMS proviennent de capteurs embarqués sur plusieurs satellites. Ces capteurs ont des résolutions spatiales différentes et utilisent des algorithmes de traitement différents. Par exemple, les satellites Terra et Aqua de la NASA transportent le spectroradiomètre imageur à résolution moyenne (MODIS), qui a une résolution d’un kilomètre carré par pixel. Si un incendie occupe une superficie inférieure à un kilomètre, il sera tracé comme ayant une superficie d’un kilomètre carré, car il s’agit de la plus petite superficie que le capteur peut mesurer.
De plus, si les limites de l’incendie s’étendent sur quatre pixels voisins, alors l’incendie sera
tracé en quatre pixels et semblera s’étendre sur une zone beaucoup plus grande. De même, la
résolution de la suite de radiomètres d’imagerie infrarouge visible (VIIRS) à bord des satellites
conjoints NASA/NOAA Suomi National Polar-orbiting Partnership (Suomi NPP) et des satellites
NOAA-20 est de 375 mètres carrés par pixel, ce qui signifie des incendies qui occupent quatre
pixels. ils ne sont peut-être pas aussi grands qu’ils le paraissent. Dans l’ensemble, le résultat est
que les tracés basés sur les données MODIS et VIIRS ne peuvent être utilisés que pour évaluer la
localisation approximative d’un incendie.

Figure 10 – Ce graphique représente les pixels signalés comme contenant un ou plusieurs incendies potentiels. « L’emplacement » du point chaud est le point central du pixel, qui ne correspond pas nécessairement aux coordonnées de l’incendie réel. Crédit : NASA FIRMS
Nous proposons donc de faire une comparaison entre le nombre de feux détecté par les deux instruments différents et de voir si l’erreur est importante (voir Figure 11)

Figure 11 – Graphique montrant le nombre feux détecté en Afrique et en Amérique du Sud par les instruments MODIS et VIIRS sur l’année 2022.
Nous pouvons remarquer que les deux instruments n’obtiennent pas les mêmes valeurs du nombre de feux détecté par mois mais que la variation globale est a priori la même. Cette différence vient du fait de la détection des feux que l’on considère sur une grande zone alors qu’en réalité ils ne le sont pas forcément (voir Figure 10). Pour bien vérifier ce résultat, nous proposons de normaliser les courbes et de regarder l’erreur relative entre les instruments MODIS et VIIRS (voir Figure 12).

Figure 12 – Graphique montrant le nombre de feux détectés et normalisé en Afrique et en Amérique du Sud par les instruments MODIS et VIIRS sur l’année 2022.
Si on fait une étude de l’erreur, on remarque que l’instrument VIIRS a 16.8 % d’erreur lorsque l’on étudie l’Amérique du Sud mais seulement a 1.2 % lorsque l’on étudie l’Afrique par rapport à l’instrument MODIS. Donc nous pouvons conclure que si nous voulons étudier l’Afrique, les deux données des instruments peuvent être utilisés pour une bonne interprétation des données. En ce qui concerne l’Amérique du Sud, il y a des problèmes dues à la localisation approximative des incendies. Dans le reste de l’étude, nous prendrons uniquement les données de détection de feux à partir de l’instrument MODIS, car il permet de détecter des incendies dans un rayon plus large (1 km carré) mais avec moins de données que l’instrument VIIRS (cela simplifiera les calculs informatiques).
c) Corrélation entre les données MODIS et MOPITT
Dans cette section, nous allons plus nous intéresser aux données des instruments MODIS et MOPITT du satellite Terra. Nous allons essayer d’interpréter et de corréler les résultats sur le nombre de feux et l’émission de la molécule CO dans l’air. Comme vu dans la Section II, la molécule CO se forme lorsque la combustion est incomplète (feu étouffé) et est principalement émise par les feux de biomasse. Avec les données de MODIS et de MOPITT obtenues sur l’année 2022, nous pouvons obtenir une valeur quantitative du nombre de feu détecté et de la densité de colonne de la molécule CO en Afrique et en Amérique du Sud. On s’attend à observer une hausse de la densité de colonne lorsqu’il y a plus de feux dans une région (voir Figure 13).

Figure 13 – Le graphique du haut montre le nombre de feux détecté par jour sur l’année 2022 en Afrique (courbe jaune) et en Amérique du Sud (courbe bleue) avec l’instrument MODIS et le graphique du bas montre la densité de colonne moyenne détectée par jour sur l’année 2022 en Afrique (courbe jaune) et en Amérique du Sud (courbe bleue) avec l’instrument MOPITT.
On remarque qu’il y a bien un lien entre le nombre de feu détecté et l’émission de la molécule CO mais avec un décalage de quelques jours. En effet cet intervalle de temps est justifié par le fait que la molécule CO se déplace dans l’air et prenne de l’altitude jusqu’à être détectée par les satellites. On remarque aussi que le satellite a eu des pertes de données donc ce résultat pourra être revérifier sur une autre année.
IV.2 - Pour aller plus loin dans la corrélation
a) Corrélation d’images entre les données MODIS et MOPITT
Pour justifier encore plus cette corrélation entre les données MODIS et MOPITT, nous allons faire de la corrélation d’image. En effet nous allons regarder localement si les régions avec une plus grosse densité sont liées avec les régions avec un grand nombre de feux détecté. Nous savons que les données mensuelles de MOPITT en .he5, sont sous forme de matrice (2 dimensions d’espace et la valeur du pixel correspond à la valeur de la densité de colonne du CO) alors que les données mensuelles de MODIS en .csv, sont des nuages de points (coordonnée de la position du feux). Nous devons donc transformer les données de MODIS en matrice de pixel afin de pouvoir faire une bonne corrélation. Nous allons créer une matrice de taille (360 x 180 pixels) et dire que 1 pixel correspond à 1° en longitude et latitude. Une fois ce traitement fait, nous pouvons faire une corrélation entre le nombre de feux détecté et la densité de colonne de la molécule de CO (voir Figure 14 et 15).


Figure 14 – Corrélation de graphique sur le mois de Janvier 2022 dans les régions d’Afrique et d’Amérique du Sud. Le graphique de gauche montre le nombre de feux détecté par pixel et le graphique de gauche montre la densité de colonne de CO par pixel.


Figure 15 – Corrélation de graphique sur le mois de Septembre 2022 dans les régions d’Afrique et d’Amérique du Sud. Le graphique de gauche montre le nombre de feux détecté par pixel et le graphique de gauche montre la densité de colonne de CO par pixel.
Nous avons choisi d’étudier les données du mois de Janvier (voir Figure 14) et du mois de Septembre (voir Figure 15). Ce choix n’est pas anodin car en effet nous savons que les feux suivent un cycle d’emplacement saisonnier (plus de feux à l’équateur en janvier qu’au Sud et inversement en septembre). On arrive à observer ce changement sur les images de données et la corrélation est frappante. Il y a donc bien des panaches de CO qui sont émises lorsqu’il y a un grand nombre de feux détecté. On peut remarquer aussi qu’il y a de grosse quantité de CO détecté entre l’Afrique et l’Amérique du Sud, en plein océan atlantique. Ceci peut être expliqué par l’apparition de vents fort et aride qui poussent les particules de CO vers l’océan. Il existe donc un échange intercontinental d’atmosphère et donc de CO entre l’Afrique et l’Amérique du Sud. Ce phénomène revient à dire que l’Afrique pollue l’atmosphère de l’Amérique du Sud mais l’Amérique du Sud pollue aussi l’atmosphère de l’Afrique. Donc pour résumer l’émission de CO que l’on détecte depuis l’espace provient majoritairement des feux de biomasse.
Nous proposons d’étudier un peu plus ce phénomène particulier d’échange grâce à des vents
favorables à partir de modèle comme Hysplit par exemple.
b) Transport vertical et horizontal des émissions avec Hysplit
Comme précisé dans l’article [10], on a une connexion entre les émissions de CO du continent africain et ceux en Amérique du Sud. Nous proposons donc d’étudier les vents avec le modèle Hysplit sur les mois de Septembre et Octobre en Afrique et en Amérique du Sud. Hysplit se compose d’une série de programmes qui lisent des fichiers de données météorologiques pour calculer les trajectoires, la dispersion des particules et les concentrations dans l’air. Après plusieurs simulation, nous observons les trajectoires des particules d’air en Septembre et en Octobre 2022 dans les deux régions d’étude (voir Figure 16 et 17).

Figure 16 – Simulation avec Hysplit de la trajectoire de particules d’air en Septembre 2022 en Amérique du Sud.

Figure 17 – Simulation avec Hysplit de la trajectoire de particules d’air en Octobre 2022 en Afrique
Sur la figure 16, on observe le début du tourbillon qui va emporter les particules de CO vers le continent africain au bout d’un certain temps (ici simulation sur 2 semaines). De façon symétrique, sur la figure 17, on observe le début du tourbillon qui va emporter les particules vers l’Amérique du sud. Ces simulations viennent renforcer l’idée d’un échange transcontinental des molécules de CO entre les deux continents de l’hémisphère sud. Ce phénomène météorologique se produit souvent l’hiver avec des variations cycloniques et anti-cycloniques. La durée de vie du CO dans l’atmosphère est d’environ de 2 mois alors les panaches de CO sont de réels traceurs du transport troposphérique et peuvent traverser des continents en quelques jours sans être détruits. Ce transport a une conséquence dramatique sur l’atmosphère de la Terre, c’est qu’il donne plus de temps pour l’accumulation de pollution et la production photochimique d’O3, l’ozone qui est un gaz à effet de serre.
V - Discussion et conclusion
Dans le cadre de ce projet Python, nous avons étudié les feux de forêts en Afrique et en Amérique du Sud durant l’année 2022. Tout d’abord, nous avons expliqué la physique des feux de forêts. Pour cela, nous avons détaillé la formation du monoxyde de carbone par combustion suivi de sa détection dans l’atmosphère. Nous avons vu qu’il était possible d’observer la molécule CO dans l’atmosphère depuis l’espace. Nous en avons déduit qu’il était donc possible de lier les feux de biomasse avec les panaches de molécule CO dans l’atmosphère. Pour la suite de l’étude, nous nous sommes concentrés sur l’Afrique et l’Amérique du Sud dont nous avions décrit les différences géographiques et climatiques.
Ensuite, nous avons fait une étude sur les satellites du système Lance-Firms avec l’instrument Suomi-VIIRS et le satellite Terra puis la manière par laquelle nous avons récupéré les données. Après des démarches d’acquisition, nous avons pu interpréter les données en se basant sur des résultats observationnels. Nous avons pu montrer que n’importe où sur Terre, il y a une région qui brûle. Ce résultat est particulièrement intéressant pour l’étude de l’impact humain sur les feux, mais il faut aussi prendre en compte que les feux sont aussi des évènements naturels et qu’ils font partie de ce processus de renouvellement de biomasse. Nous avons aussi pu mettre en évidence la variation saisonnière des feux en Afrique et en Amérique du Sud. On remarque un cycle sur une année de donnée avec les satellites du système FIRMS. Ce cycle de localisation des feux n’est pas anodin, mais résulte bien des conditions météorologiques locales mais aussi des cultures sur brûlis dans certaines régions d’Afrique et d’Amérique du Sud. Un autre résultat important est la corrélation entre la détection de feux par l’instrument MODIS et l’émission de la molécule CO par l’instrument MOPITT. Nous avons pu en effet dire que les deux détections sont liées mais on note un certain décalage temporel, de quelques jours, lorsque l’on regarde les émissions de CO. Nous pouvons donc affirmer que l’émission de CO en altitude est détectée après l’apparition de feux. Ce résultat est logique car on détecte la molécule CO dans l’atmosphère entre 8 et 15 km. Il faut donc le temps de quelques jours pour que les panaches de CO prennent de l’altitude.
Par la suite, nous avons affiné cette corrélation en comparant nos différentes images obtenues après traitement afin de voir si les régions avec le plus de feux détectés par surface correspondaient aux mêmes régions de densité de colonne du CO. Les données recueillies par satellites indiquent une forte association entre les activités de combustion de biomasse et les émissions de CO dans l’atmosphère. Cette corrélation souligne l’importance des feux de biomasse en tant que source majeure de pollution atmosphérique, notamment dans les régions étudiées. Les résultats obtenus peuvent contribuer à une meilleure compréhension des processus de combustion de biomasse et de leurs impacts sur la qualité de l’air, ainsi qu’à des efforts de surveillance et de gestion des feux de manière plus efficace.
Pour confirmer ce résultat, nous nous sommes permis d’utiliser le logiciel Hysplit qui modélise la propagation des panaches de fumée au cours du temps. Plusieurs articles, montrent qu’il y a un échange de molécule CO dans l’atmosphère entre l’Afrique et l’Amérique du Sud. Ce transport peut être facilité par les vents dominants et les conditions météorologiques favorables, comme nous l’a montré le logiciel Hysplit. L’échange de CO entre l’Afrique et l’Amérique du Sud peut avoir des implications importantes pour la qualité de l’air, la santé publique et le climat dans ces régions. Les concentrations élevées de CO peuvent avoir des effets néfastes sur la qualité de l’air et la santé respiratoire des populations locales, en plus de contribuer au réchauffement climatique en tant que gaz à effet de serre.
Pour conclure, les données satellitaires sont des outils précieux pour la compréhension de la pollution de l’atmosphère par les molécules comme le monoxyde de carbone. Les études des feux de biomasse sont très importants pour la compréhension directe du changement climatique mais aussi de l’impact humain à l’échelle locale ou mondiale. Cette étude de corrélation entre la détection des feux et de l’émission de la molécule CO pourra être approfondie sur un autre jeu de données plus grand, si l’on souhaite avoir un meilleur recul sur les conséquences du changement climatique sur les feux.
Bibliographie
- FIRMS, Fire Information for Resource Management System : Active fire data (https://firms.modaps.eosdis.nasa.gov/)
- NASA-Earth-observatory : Fire and carbon monoxyde (https://earthobservatory.nasa.gov/global-maps/MOD14A1_M_FIRE/MOP_CO_M)
- NOAA, National Environmental Satellite, Data and Information Service : Visible Infrared Imaging Radiometer Suite (VIIRS) (https://www.nesdis.noaa.gov/our-satellites/currently-flying/joint-polar-satellite-system/visible-infrared-imaging-radiometer-suite-viirs)
- Terra, the EOS Flagship : MODIS, Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer (https://terra.nasa.gov/about/terra-instruments/modis)
- Terra, the EOS Flagship : MOPITT, Measurement of Pollution in the Troposphere (https://terra.nasa.gov/about/terra-instruments/mopitt)
- The Big and Small of Fire in Africa : Fires in Africa (https://www.earthdata.nasa.gov/learn/articles/africa-fires)
- Wildfires in Latin America : Latin America (https://www.undrr.org/media/80887/download?startDownload=true)
- Number of wildfires in South America in 2022, by country or territory : Wildfires in South America
- Amazon rainforest fires 2022 : Facts, causes, and climate impacts : Amazon rainforest fires 2022 (https://www.greenpeace.org/international/story/55533/amazon-rainforest-fires-2022-brazil-causes-climate/)
- Satellite-observed pollution from Southern Hemisphere biomass burning Journal of Geophysical Research (https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1029/2005JD006655)
- NOAA, National Environmental Satellite, Data and Information Service : Hysplit model (https://www.ready.noaa.gov/HYSPLIT.php)