I - Résumé
Les spectres d'émission dans l'infrarouge moyen sont dominés par les bandes infrarouges aromatiques (AIBs), localisées à 6.2, 7.7, 8.6, 11.2, 12.7 et 16.4 micromètres, dans les régions du milieu interstellaire (ISM), comme la barre d'Orion. Ces signatures spectrales sont les conséquences d'un refroidissement des molécules d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (PAH), initialement excitées par le rayonnement ultraviolet (UV) des étoiles proches. On retrouve une forte émission des AIBs dans les régions de photodissociation (PDR), qui sont des milieux se situant entre un nuage moléculaire et une région HII ionisée.
La mission James Webb a réalisé une observation de la barre d'Orion le 1er février 2023 grâce à l'instrument MIRI (Mid-Infrared Instrument) dans l'infrarouge moyen. Le mode spectrographie (MRS) de MIRI a permis l'acquisition de 6 981 spectres contenant des émissions d'AIBs. L'application de l'algorithme MASS-NMF, développé à l'IRAP (Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie) sur ce jeu de données, a montré l'évolution de ces bandes au sein de la barre d'Orion et la distinction spectrale de deux populations chimiques : PAH cations (PAH+) et PAH neutres (PAH0). Nous avons ensuite pu montrer cette évolution spatiale, en étudiant la contribution des PAH+ et des PAH0 sur chaque spectre d'AIBs de la barre d'Orion. Le degré d'ionisation de la barre d'Orion a pu être calculé grâce au ratio entre les bandes 11.3/7.7 micromètres et comparé au ratio des filtres F1130W/F770W du mode imagerie (MIRIM) de MIRI. En conclusion, le simple ratio des filtres MIRIM peut définir qualitativement le degré d'ionisation de l'observation.
II - Contexte scientifique
II.1 - Les bandes infrarouges aromatiques dans les régions de photodissociations
a) Les régions de photodissociations
Le milieu interstellaire (ISM) est la matière qui se situe entre les étoiles dans une galaxie. Il est composé de 99 % de gaz et de 1 % de poussière. Cette poussière (composée généralement de carbone, d'oxygène et de magnésium) joue un rôle important dans la température du gaz et sur la formation des étoiles. On retrouve plusieurs gaz dans l'ISM, principalement de l'hydrogène, du dihydrogène et de l'hélium sous forme atomique, ionisé ou moléculaire. Quand une étoile massive se forme, par effondrement d'un nuage moléculaire, des photons ultraviolets (UV) sont émis. Les photons vont ioniser le gaz et former une région HII (région où les atomes d'hydrogène sont ionisés, on les note souvent H+ en chimie). Les photons qui ne sont pas assez énergétiques pour ioniser le gaz, irradient les nuages moléculaires environnants. Cette irradiation dissocie les molécules environnantes et évapore le nuage moléculaire (Berné, O., et al. 2022).
On définit les régions de photodissociation (PDR) comme l'interface entre la région HII et le nuage moléculaire dans laquelle les photons UV dissocient les molécules et chauffent le gaz et la poussière. Les observations ALMA (Atacama Large Millimeter Array) ont révélé une structure en couche des PDR et seulement une imagerie en proche infrarouge à haute résolution spatiale peut révéler les structures de ces nuages moléculaires interagissant avec les photons UV.
Figure 1 : Détail de la structure 1D d'une région de photodissociation. On remarque que suivant l'extinction, il y a des zones bien définies et une composition chimique différente selon le flux UV et de la température du gaz.
Crédits : Berné, O, adapté de Tielens & Hollenbach (1985)
On peut identifier 4 zones lors d'une observation d'une PDR (voir Figure 1) :
- La zone moléculaire où le gaz est presque entièrement moléculaire, dense et froid (quelques kelvin).
- Le front de dissociation H2, où le gaz passe de presque entièrement moléculaire à atomique et la température passe de 30 à 300 K.
- Le front d’ionisation (IF) où le gaz passe de complètement neutre à complètement ionisé et la température augmente de 7000 K.
- Le flux entièrement ionisé dans la région HII.
À l'intérieur des PDR, le gaz est principalement chauffé par effet photoélectrique (PE) agissant sur les molécules d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (PAH) et les petits grains de poussière (Berné, O., et al. 2022). Les photons UV ionisent les grains de poussières qui éjectent un électron. L'électron va distribuer son énergie par collision aux molécules autour de lui et donc faire augmenter la température du gaz.
D'autres mécanismes contribuent au chauffage du gaz comme les collisions du gaz avec la poussière ou les collisions avec les molécules H2 fortement excitées par le pompage UV. Le gaz est refroidi par l'émission des raies de structure fine de l'infrarouge lointain, telle que la raie [CII] à 158 micromètres et la raie [OI] à 63 et à 146 micromètres.
Les PDR sont importantes dans l'étude de l'évolution chimique et physique du milieu interstellaire diffus, des disques protoplanétaires, des enveloppes des étoiles et des nébuleuses planétaires.
b) Les bandes infrarouges aromatiques
Pour pouvoir étudier et analyser ces régions de photodissociation dans le milieu interstellaire, on utilise les caractéristiques infrarouges des PAH. Les PAH sont de grandes molécules qui contiennent 20 à 100 atomes de carbone et ont la particularité d'absorber le rayonnement UV (et d'émettre dans l'infrarouge). Les PAH sont composés principalement d'atomes de carbone liés à un atome d'hydrogène ou d'atomes de carbone liés avec les autres atomes de carbone, en forme de nid d'abeille (voir structure en haut à gauche de la Figure 2).
Ces molécules sont excitées par le rayonnement UV d'une étoile proche et émettent des raies dans l'infrarouge moyen, entre 3 et 19 micromètres. On observe donc sur certains spectres dans l'ISM (Voir Figure 2), des bandes infrarouges aromatiques (AIBs) dues aux vibrations des liaisons C-C et C-H (Tielens, A.G.G.M., 2008). Néanmoins, nous ne pouvons pas identifier clairement quelle structure de PAH est présente dans le milieu interstellaire, car ces molécules possèdent une géométrie plane. Il existe des méthodes pour identifier un PAH de manière spécifique, comme en cherchant l'émission rotationnelle (savoir si la molécule possède un moment dipolaire, qui permet au champ électrique de la lumière d'exercer un couple sur la molécule) ou en cherchant ses transitions électroniques (décrit le passage d'un électron d'un niveau d'énergie à un autre).
Grâce à la spectroscopie dans l'infrarouge moyen, nous sommes en capacité d'identifier les principales caractéristiques d'émission de cette famille de molécule. Les raies les plus significatives sont celles situées à 3.3, 6.2, 7.6, 8.6, 11.2, 12.7 et 16,4 micromètres (voir Figure 2). Dans les PDR, cette signature spectrale est particulièrement intense, car le rayonnement UV est important et le milieu interstellaire est particulièrement chaud pour observer une émission de ces molécules. L'étude des AIBs dans les PDR, nous permettra d'étudier en détail la complexité moléculaire du milieu interstellaire ainsi que son évolution, comme nous le verrons par la suite.
Figure 2 : Identification spectrale des caractéristiques infrarouges des PAH dans la nébuleuse d'Orion avec le satellite ISO. Les rectangles oranges indiquent des signatures de raies larges, associées aux PAH et les traits gris indiquent des signatures de raies plus fines dues à la présence de molécules de gaz dans le milieu.
Crédits : Berné, O., 2019, d'après les données du télescope ISO
II.2 - Décomposition des AIBs par la méthode NMF
a) Le principe fondamental d'une NMF
Depuis plusieurs années, l'IRAP (Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie) à Toulouse est très actif sur les études et les caractérisations des spectres de PAH interstellaires et de nombreuses méthodes et de modèles sont apparus pour expliquer leur physique (Berné, O., et al. 2022). La méthode de factorisation de matrices non négatives (NMF) repose sur l'idée qu'un signal non négatif peut être composé de plusieurs signaux sources mélangés. Nous pouvons alors utiliser ce raisonnement sur les AIBs des PAH. Le problème se résume à estimer les matrice A et S à partir d'une matrice de données qui respecte l'équation suivante :
Avec X qui est une matrice de données de dimension n x m (dans le cadre du stage nous aurons n spectres et m points spectraux), la matrice A, qui est une matrice de poids de dimension n x r et la matrice S, qui est une matrice source de dimension r x m. La dimension r sera déterminée dans la Section II.2. Il existe plusieurs méthodes dites de SAS (Séparation Aveugle de Sources) qui permettent la résolution de ce problème mais nous allons nous intéresser ici qu'à la méthode NMF.
b) Estimation par la méthode NMF
La méthode NMF est une technique de réduction de dimension adaptée aux matrices contenant des données uniquement positives. Les AIBs sont des spectres d'émission (nous avons théoriquement que des valeurs positives), il est donc possible d'appliquer une NMF sur ces spectres. D'un point de vue mathématique, l'estimation des matrices A et S se fait de manière itérative jusqu'à satisfaire un critère de convergence. Ce critère de convergence est définie comme la distance euclidienne entre la matrice de données et son modèle :
c) Identification du nombre de composantes
Avant de pouvoir appliquer la NMF sur la matrice de données X, il est important de définir le nombre de composantes que l'on souhaite à la sortie de la méthode. On définit r comme étant le nombre de composantes à extraire des données. Ce nombre est choisi par l'utilisateur, mais il existe plusieurs méthodes pour le choisir correctement selon la matrice de données X. Notamment une méthode d'identification a été utilisée par Berné, O. 2012 qui consiste à calculer l'écart-type sigma_r de la matrice de bruit Rr définie telle que :
Cet écart-type est alors comparé à l'écart-type du bruit dans les données sigma_b. Le nombre r est défini quand les deux écarts-types sont égaux lorsque r est croissant.
Une autre méthode plus simple est d'appliquer plusieurs NMF avec un nombre de composantes r croisant. On s'arrête lorsque r+1 montre le présence d'artefacts ou de structures spectrales non-physique vu et utilisé dans la thèse de Foschino, S. 2020 et vu en Annexe 3.
La méthode que nous allons privilégier dans ce rapport est une technique de décomposition en valeurs singulières (SVD) des données qui permet d'obtenir les valeurs propres de la matrice de covariance, la méthode est présentée dans Boulais, A., 2017. La méthode de détermination SVD permet d'écrire X sous la forme suivante :
Nous avons D qui est une matrice unitaire de taille n x n, la matrice O de dimension n x m qui est diagonale et qui contient les valeurs propres de la matrice de covariance X, et V* qui est la matrice adjointe de la matrice unitaire V de dimension m x m. Par la méthode SVD, il est possible d'observer une cassure à r quand les valeurs propres des données (matrice O) se détachent du bruit (voir Section III.2 pour l'application de cette méthode aux données du stage).
d) Propriétés de la NMF
Dans cette partie nous allons voir les propriétés principales qui découlent de l'application d'une telle méthode sur un jeu de données. Les propriétés devront être prises en compte sur l'interprétation des résultats.
La propriété la plus importante est la non-unicité des résultats de la NMF. En utilisant les contraintes de non-unicité, la solution n'est pas unique et dépend fortement de l'initialisation de l'algorithme (Boulais, A., 2021). Les résultats devront être fournis avec une barre d'erreur (voir Annexe 2). La NMF donne quand même des résultats assez proche pour chaque application mais la propriété de non-unicité sera à prendre en compte lors de l'interprétation des résultats.
La deuxième propriété est le temps de calcul car en effet le calculateur doit tester différentes valeurs pour la matrice A et pour la matrice S simultanément. Il est donc important de pouvoir considérablement réduire ce temps de calcul en fixant une des deux matrices. Nous verrons dans la Section II.2 la méthode qui permet de contourner le problème lié au temps de calcul de la NMF.
e) Initialisation de la NMF par MASS
Durant ce stage nous allons nous intéresser à une méthode de résolution de l’équation 1, qui s’appelle MASS-NMF (Maximum Angle Source Separation). Cette méthode a été développée à l’IRAP (Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie) durant la thèse de Boulais, A., et permet de résoudre certains problèmes liés l’application de la NMF sur des jeux de données.
L’initialisation de la NMF par MASS est une approche géométrique de la méthode NMF classique, car elle consiste à identifier les r arrêtes du cône simpliciale (voir la thèse de Boulais, A., 2017 [7] pour plus de détail sur la méthode d’initialisation par MASS). Nous allons ici retenir que l’initialisation par MASS permet d’extraire les r vecteurs qui constitueront, soit la matrice de poids A, soit la matrice de source S (Nous veillerons à choisir la matrice avec le plus d’éléments). La méthode NMF pourra ensuite être appliquée en prenant en compte la matrice initialisée par MASS et pourra donner les r composantes du problème.
Cette initialisation permet de réduire considérablement les coûts de calculs et tend bien vers une solution proche des résultats en appliquant la méthode NMF classique sur un même jeu de données (voir Section III.3 pour l’application aux données du stage). Cette méthode a été construite de manière empirique à cause de la propriété de non-unicité de la NMF, vu en section II.2.d.
f) Application de MASS-NMF sur un jeu de données avant l’ère James Webb
Durant la thèse de Foschino, S. 2020, 4 spectres élémentaires (représentant le nombre de composantes r vu à la Section II.2.c) ont pu être extraits par la méthode MASS-NMF (voir Figure 3). Cette méthode a donc pu permettre la caractérisation de 4 populations chimiques : les PAH cations (PAH+, qui sont ionisés positivement), les PAH neutres (PAH0), les petits grains carbonés (eVSG) et les PAHx (qui sont des molécules a priori ionisées, mais constituées de plus de 100 atomes de carbones).
La méthode MASS-NMF a été effectuée sur un jeu de données issu d’observations ISO dans des régions de l’ISM. Ces résultats montrent qu’il y a une évolution spectrale des AIBs dans ces milieux et qu’il est intéressant d’approfondir nos études pour une meilleure compréhension de la physique dans ces milieux. Nous verrons dans la Section III.3, les résultats de l’application de MASS-NMF sur un jeu de données plus grand issu du télescope James Webb, que nous pourrons comparer aux résultats trouvés par Foschino, S. durant sa thèse.
Figure 3 : Spectres élémentaires obtenus par l’application de MASS-NMF sur un jeu de données
provenant principalement du télescope spatial ISO. Les lignes verticales représentent les positions des principales bandes des PAH.
Crédits : Thèse de Foschino, S. 2020 [10].
II.3 - La mission JWST et le programme PDRs4All
a) Le télescope James Webb
Le James Webb télescope (JWST) est un télescope de 6,5 mètres envoyé dans l’espace le 25 décembre 2021. Le télescope est le fruit d’un travail collaboratif impliquant la NASA (National Aeronautics and Space Administration), l’ESA (European Space Agency) et le CSA (Canadian Space Agency).
Les quatre principaux objectifs du JWST pendant les 6 années de mission sont :
-
la recherche de la lumière des premières étoiles et galaxies qui sont apparues dans l’univers
après le big bang. - l'étude de la formation de la galaxie et de son évolution.
- la compréhension des mécanismes de formation des étoiles.
- l’étude des systèmes planétaires et de la formation de la vie (le programme PDRs4All s’insère
dans cet objectif scientifique, voir Section II.3.c).

Figure 4 – Illustration de l’orbite du JWST autour du point de Lagrange L2 en haut à gauche
et illustration simplifiée de la structure du télescope qui est composé de plusieurs miroirs, d’un
bouclier solaire et des instruments de mesures.
Crédits : NASA
L’observatoire est placé en orbite autour du point de Lagrange L2 du système Soleil-Terre, du côté opposé au Soleil, ce qui permet aux instruments à bord, d’être entièrement abrités du rayonnement solaire (voir illustration en haut à gauche de la Figure 5). Le JWST est composé de deux sous-systèmes : OTE (Optical Telescope Element) et ISIM (Integrated Science Module).
L’OTE collecte et alimente en lumière les instruments scientifiques de l’ISIM grâce à son miroir primaire composé de 18 miroirs hexagonaux déployables, en béryllium plaqué or (voir Figure 4).
L’ISIM est la structure qui abrite les quatre instruments scientifiques :
- La caméra proche infrarouge (NIRCam) qui observe dans le domaine de l’infrarouge proche (entre 0,6 et 5 μm).
- Le spectrographe proche infrarouge (NIRSpec) qui est un instrument qui opère dans l’infrarouge proche (entre 0,6 à 5,3 μm).
- Le spectrographe sans fente (NIRISS) qui est un spectro-imageur qui permet l’acquisition de spectres et d’images à haute résolution spectrale (entre 150 et 700) pour des objets brillants.
- L’instrument infrarouge moyen (MIRI) qui est aussi un spectro-imageur mais dans le domaine de l’infrarouge moyen (entre 5 à 28 μm). Nous allons nous intéresser tout au long de ce rapport aux données spectroscopiques avec le mode MRS (voir Section II.3.b) et aux données d’imagerie avec le mode MIRIM (voir Section III.5).
Le pare-soleil du JWST permet aux instruments de ne pas être perturbés par la lumière du Soleil, de la Terre et de la Lune et permet aussi à l’ISIM de se refroidir jusqu’à 40 K, qui est une température nécessaire au bon fonctionnement des instruments.
b) L'instrument MIRI-MRS
Durant ce stage nous allons utiliser les données provenant de l’instrument MIRI. L’instrument propose trois modes d’observation : "imagerie" pour obtenir des images du ciel, "spectrographie" pour décomposer la lumière et pour pouvoir analyser les compositions chimiques des structures observées, et "coronographie" pour atténuer la lumière d’une source très lumineuse et étudier son voisinage. Pour l’étude des émissions PDR, nous allons principalement analyser les données du mode "spectrographie" appelé MRS (Medium Resolution Spectroscopy).
Le spectromètre observe entre 4,9 et 28,5 μm sur un FOV (fiels of view) jusqu’à 7,7"ˆ7,7" (un petit champ de vision). Son pouvoir de résolution est R = 1500 à 3500, ce qui veut dire que l’on peut y mesurer des raies de faible intensité.

Figure 5 – À gauche : l’empreinte rectangulaire de chacun des quatre canaux MRS projetée sur le ciel. Les canaux 1, 2, 3 et 4 sont représentés respectivement en bleu, vert, jaune et rouge.
Au Milieu : les spectres MRS des quatre canaux sont dispersés simultanément sur deux détecteurs pour une seule exposition.
À droite : le pipeline d’étalonnage JWST rectifie les données MRS dans un format de cube 3D (2 dimensions spatiales et une dimension de longueur d’onde) échantillonné et peut combiner les informations des quatre canaux et des trois paramètres de réseau (Court, Moyen et Long).
Crédits : Law, D. dans JWST User Documentation of MIRI [13].
Le MRS, composé de 4 canaux, observe simultanément les plages de longueurs d’onde avec des IFUs (Integral field units). Une IFU est un trancheur d’image qui isole, formate et aligne les segments spatiaux sur le champs d’entrée pour le présenter à un spectromètre à réseau. Cela permet d’obtenir de manière efficace des cartes spatiales de quantités spectroscopiques de sources étendues jusqu’à quelques secondes d’arc ou d’obtenir des spectres de sources ponctuelles. Des algorithmes de traitements reformatent les données de chaque pixel du détecteur en spectre unidimensionnel et en un cube de données avec 2 dimensions spatiales et une dimension spectrale (voir Figure 5).
Pour une couverture spectrale complète, l’instrument utilise 3 réglages sur 4 canaux distincts : Court, Moyen et Long. Nous espérons combiner les 4 canaux et les 3 réglages par canaux, ce qui
revient à réunir 12 bandes de longueur d’onde différentes (voir Figure 6).

Figure 6 – Couverture en longueur d’onde des canaux MIRI MRS.
Crédits : Équipe STScI MIRI dans JWST User Documentation of MIRI [13].
c) Le programme ERS PDRS4All
Le directeur du STScI (Space Telescope Science Institute) du JWST, a décidé d’attribuer 500 heures d’observations durant les 5 premiers mois de la mission. Suite à un appel d’offre, treize programmes ont été sélectionnés dont une observation de 40 heures de la nébuleuse d’Orion avec les instruments à bord du JWST. Le programme ERS accepté, et attribué à l’équipe dont l’IRAP co-dirige, est le "PDRs4All : Radiative feedback from massive stars" qui se consacre à l’étude des interactions des étoiles massives
avec leur environnement. Les principaux objectifs de ce programme sont de :
- Caractériser le spectre complet d’émission de 1 à 28 μm des zones et sous-régions clés du
gaz ionisé, des régions de photodissociations (PDR) et du nuage moléculaire environnant
et de déterminer les conditions physiques et chimiques dans ces environnement spécifiques
(voir section II.1.a). - Fournir des outils facilitant la réduction et le traitement des données post-pipeline, ainsi que
les outils d’analyse des PDR et les bandes infrarouges aromatiques (AIB) attribuées aux
hydrocarbures aromatiques polycyclique (PAH) nécessaires à l’interprétation des émissions
PDR résolues à observer avec le JWST.
Le programme rassemble une centaine de scientifiques répartis dans 18 pays et co-dirigé par des scientifiques du CNRS, de l’Université Paris-Saclay et de l’Université Western Ontario (située à London, au Canada).
II.4 - Objectifs du stage
L’objectif, dans un premier temps est de pouvoir identifier la structure des régions de photodissociation (PDR), grâce aux caractéristiques infrarouges (AIBs) des molécules d’hydrocarbures polycycliques aromatisées (PAH) dans la barre d’Orion issu des données de l’instrument MIRI-MRS du JWST. La barre d’Orion est une région de l’ISM relativement proche de nous et présente de fortes émissions d’AIBs dans les PDR. C’est donc un choix d’observation idéal pour en savoir plus sur les molécules PAH, présentes en grande quantité dans cette région de l’univers.
L’objectif principal de ce stage, est d’appliquer MASS-NMF sur un jeu de données plus important et plus détaillé, extrait des données de l’instrument JWST-MIRI. Les résultats pourront être comparés et interprétés aux résultats obtenus par Foschino, S., avant l’ère JWST. Grâce à l’instrument MIRI-MRS et à la technologie d’IFU, il sera possible de montrer une évolution spatiale des AIBs des PAH au sein de la barre d’Orion.
À partir des spectres extraits par la méthode MASS-NMF sur le jeu de spectre de MIRI-MRS, une étude pourra être faite pour identifier le degré d’ionisation de la barre d’Orion durant l’ère JWST. Pour cela nous pourrons calculer les ratios des bandes 11.3/7.7 μm de ces spectres élémentaires. Ces résultats pourront être comparés avec les données du mode imagerie (MIRIM) de MIRI et les ratios des filtres F1130W/F770W.
Le dernier objectif est de pouvoir préparer tout le travail effectué en stage pour une thèse, qui aura comme objectif de montrer l’évolution des PAH sous l’ère du JWST sur différents spectres de PDR. Après le travail vu en stage, il y aura des données et des résultats importants qui serviront à alimenter de nouveaux modèles d’évolution physiques et chimiques des AIBs et donc des PAH
dans l’ISM.
III - Résultats
III.1 - Résultats observationnels
a) Premiers résultats spectroscopiques de MIRI-MRS
Durant la nuit du 31 janvier au 1er février 2023, le JWST a effectué des observations avec l’instrument MIRI-MRS, d’une zone spécifique dans la barre d’Orion. Après un traitement et un collage des différents canaux (voir Figure 6), exécuté par les autres scientifiques du programme PDRs4All, j’obtiens un fichier en .fits du cube de données couvrant toutes les longueurs d’ondes des canaux MIRI-MRS (voir schéma cube à droite de la Figure 5). Dans cette zone on retrouve les 3 régions vues dans la Figure 1, qui sont la région HII, la région de photodissociation et le nuage moléculaire. On regarde le profil spectral de ces 3 régions (voir Figure 7).

Figure 7 – À gauche : superposition de l’image RGB (Rouge, Vert, Bleu) obtenue grâce à l’instrument MIRI-MRS sur l’image de la barre d’Orion obtenue par l’équipe PDRs4All grâce à l’instrument NIRCam. On observe les différentes structures des 3 régions, en rouge la région HII, en vert la PDR et en bleu le nuage moléculaire.
À droite : profils spectraux dans les 3 régions en fonction de la longueur d’onde. Le premier spectre montre les raies ionisées, les plus importantes dans la région HII. Le deuxième spectre montre les principales bandes infrarouges des PAH. Le troisième spectre montre les principales raies de désexcitation de la molécule H2, très abondante dans le nuage moléculaire.
On observe une diversité de raies dans la gamme d’observation de MIRI-MRS (infrarouge-moyen de 4.9 à 27 µm) et surtout un signal très faiblement bruité à part pour les longueurs d’ondes plus importantes. Ceci est dû à la conception de l’instrument qui a une meilleure résolution spectrale pour les longueurs d’ondes plus courtes (Voir section II.3.b). On observe aussi la présence d’un continuum (aire continue en dessous des raies spectrales) qui augmente avec la longueur d’onde, nous chercherons à le réduire au maximum pour une analyse plus précise des raies. Nous avons affaire à des données de hautes qualités grâce à la technologie d’IFUs et dépassant les prédictions faites en amont de la mission par les scientifiques du groupe PDRs4All. Nous pouvons identifier les principales signatures des raies dans les différents milieux comme le montre la Table 1, et graphiquement grâce aux lignes pointillées de couleur sur les spectres de la Figure 7.
Table 1 – Liste des raies signatures dans la région ionisée, le PDR et le nuage moléculaire
Dans la région HII, nous observons de nombreuses raies intenses, qui sont la signature d’atomes ionisés. Cette région est composée à 90% d’hydrogène et de quelques éléments lourds comme l’argon, le souffre, le néon ou encore le fer. Les conditions de température élevées (environ 10 000 K), fait que ces atomes ont tendances à être dans un état ionisé, ce qui explique la détection de ces raies dans cette région du milieu interstellaire.
Dans la PDR, nous pouvons remarquer que les AIBs sont plus intenses que dans les deux autres régions d’observations. Néanmoins, on retrouve ces signatures dans les autres spectres, cela montre que les molécules PAH sont présentes dans toutes les régions du milieu interstellaire, mais qu’elles ne réagissent pas de la même manière selon les milieux où elles se trouvent. On retrouve les signatures spectrales des AIBs vues dans la section II.1.b.
Dans le nuage moléculaire, on observe de nombreuses raies dues aux principales désexcitations à différents niveaux de la molécule H2 (voir Table 1 pour les différentes transitions). De manière générale, il est impossible de détecter directement la molécule H2, bien qu’elle soit la molécule la plus abondante de l’univers. Cette molécule se situe souvent dans des régions extrêmement froides (environ 10 K), qu’il est impossible pour elle d’émettre un rayonnement. Bien souvent on utilise des traceurs comme la molécule CO, OH ou CN pour caractériser et localiser les nuages moléculaires. Dans le cas de la barre d’Orion, le nuage moléculaire est en pleine interaction avec la région HII, qui réchauffe le milieu et excite la molécule H2, d’où la présence de ces raies dans nos spectres.
On remarque, dans les spectres de la Figure 7, des signatures de raies ionisées dans les 3 régions, cela est dû à la géométrie d’observation de la barre d’Orion (voir Figure 8) qui fait que nous observons une partie de la région HII en premier plan avant de voir le PDR et le nuage moléculaire.

Figure 8 – Schéma de la géométrie d’observation de la barre d’Orion. On remarque que la région HII est en premier plan par rapport au PDR et au nuage moléculaire. Il est donc important de se rendre compte qu’en observant la PDR ou le nuage moléculaire, nous pouvons détecter des éléments se trouvant sur la ligne de visée et dans la région HII (espèces ionisées essentiellement). Crédits : adapté de Boersma, C., et al. 2012 [6].
b) Cartes 2D en intensité spécifique dans chaque région d’observation
L’objectif de cette partie est de mettre en évidence spatialement les différentes régions en
calculant l’intensité spécifique des raies d’émission. Nous obtenons les données de flux en MJy/str,
qui est l’unité d’une intensité spécifique. Nous allons devoir faire une conversion pour exprimer
cette intensité spécifique en unité du système international W/m2/str/Hz :
Pour une meilleure obtention et précision des cartes 2D avec MIRI, nous allons intégrer sur
toute la largeur de la raie et non faire une acquisition de carte à une longueur d’onde précise. Pour
cela nous allons intégrer la raie souhaitée sur un spectre en Hertz :
Figure 9 – Cartes 2D en intensité spécifique obtenues à partir des données de MIRI-MRS localisées par les coordonnées équatoriales. Les cartes de la première ligne mettent en évidence la région HII avec la signature des raies ionisées. Les cartes de la deuxième ligne mettent en évidence le PDR et sa structure grâce aux AIBs des PAH. Les cartes de la troisième ligne mettent en évidence la structure filamentaire du nuage moléculaire grâce aux principales raies de désexcitation de la molécule H2.
Nous obtenons donc les cartes d’intensités spécifiques pour des raies signatures des 3 régions (voir Figure 9) :
- Pour la région HII nous prenons les raies des atomes ionisés comme [ArIII] à 8.99 µm, [NeIII] à 15.56 µm, [SIII] à 18.71 µm.
- Pour la PDR nous prenons les AIB des PAH à 6.2, 8.6, 11.2 et 16.4 µm.
- Pour le nuage moléculaire nous prenons les principales raies de désexcitations de la molécule H2 à 6.9 (S(1)), 8.025 (S(2)), 9.665 (S(3)), 12.27 (S(4)), 17.03 (S(5)) µm. Il est donc possible de tracer des cartes en 2D, montrant spatialement les 3 régions.
Il est donc possible de tracer des cartes en 2D, montrant spatialement les 3 régions différentes
de l’ISM, en prenant en compte l’intensité spécifique d’une raie caractéristique du milieu.
III.3 -
Application MASS-NMF au cube MIRI-MRS
Dans cette partie nous allons nous intéresser à l’application de MASS-NMF (vu à la section
II.2) sur les données MIRI-MRS dans la barre d’Orion. En effet le cube de données MIRI-MRS
permet d’obtenir pour chaque pixel, un spectre. Sur les 22 791 spectres (107x213 pixel, qui est la
taille spatiale du cube), seulement 6 981 spectres sont exploitables (spectres non nuls allant de 4.9
à 17 µm et comportant des AIBs). Dans la thèse de Foschino, S., 2020, [10], il utilise MASS-NMF
sur un jeu de 32 spectres. Ici nous allons pouvoir obtenir des résultats plus complet sur un plus
grand jeu de données et spécifique à la zone d’observation dans la barre d’Orion.
a) Prétraitement
L’objectif est de pouvoir construire la matrice de données, que l’on appellera XAIB, à partir
du cube MIRI-MRS. Cette matrice de données sera de dimension n = 6 981 et m = 26 107. Pour
simplifier les calculs et pour observer l’évolution des AIBs, il est préférable d’isoler les larges bandes
infrarouges du spectre, des autres raies d’émissions (typiquement les raies H2 ou des molécules
ionisées vues dans la Table 1). Nous allons pour cela réaliser un ajustement gaussien sur les 6 981
spectres du cube. Nous allons partir du principe que chaque raie d’émission peut être représentée
par une fonction gaussienne (voir courbe "fit" en rouge de la Figure 10). Grâce à un catalogue des
principales raies du gaz (autre que les AIBs), nous pouvons les retirer du spectre "fit" (voir courbe
"gas" en noir de la Figure 10). Nous avons vu dans la partie III.1.a, la présence d’un continuum sur
les données. Pour une bonne extraction des AIBs, nous allons approximer une courbe qui pourrait
être le continuum (voir courbe "continuum" en pointillé noir de la Figure 10) et ainsi la soustraire
du spectre "fit". Une fois tous ces calculs exécutés, nous pouvons enfin sortir un spectre "modèle"
représentant les AIBs du spectre de données (voir courbe "AIBs" en vert de la Figure 10).
Figure 10 – Graphique montrant les étapes de prétraitement d’un spectre du cube pour obtenir un spectre d’AIBs. La courbe "data" (en bleu) représente le spectre non traité issu du cube, la courbe "fit" (en rouge) représente le résultat de l’application d’un ajustement gaussien, la courbe en pointillé noir représente le continuum, le spectre "gas" (en noir) représente les principales raies d’émissions issues d’un catalogue et la courbe "AIBs" (en vert) représente le profil spectral des AIBs modélisées pour un seul spectre du cube MIRI-MRS.
Le problème que j’ai rencontré durant cette étape est le temps de calcul de l’ajustement gaussien sur les données. En effet, nous effectuons un ajustement sur une grande gamme spectrale (de 4,9 à 17 µm avec plus de 20 000 points spectraux), ce qui alourdit le temps de calcul (exécution d’un spectre du cube en 550 secondes avec un Macbook pro 2015, mis à disposition à l’IRAP).
Pour palier ce problème, nous avons décidé de faire appel aux probabilités.
Nous allons effectuer un tirage aléatoire parmi les 6 981 spectres du cube et exécuter l’ajustement gaussien sur un échantillon de 500 spectres (cela revient à un temps de calcul d’environ 3
jours). On estime avoir un assez grand jeu de données pour pouvoir obtenir les spectres élémentaires en sortie de MASS-NMF. Un travail sur l’étude des erreurs liées au tirage aléatoire a été
effectué dans l’Annexe B.
b) Choix du nombre de composantes à partir de la méthode SVD
Maintenant que nous avons la matrice X, qui contient un important jeu de données provenant de la zone d’observation de la barre d’Orion, nous pouvons décomposer les AIBs par l’application de MASS-NMF. Néanmoins, comme nous l’avons vu dans la Section II.2.c, il est important
de définir le nombre de composantes (soit le nombre de spectres élémentaire) que l’on souhaite en
sortie. Pour cela, nous appliquons la méthode SVD sur la matrice X construite dans la Section III.2.a, nous utiliserons la fonction svd de la librairie numpy.linag en langage Python. Nous
pouvons afficher les valeurs propres en échelle logarithmique et identifier la valeur de la première
cassure de la courbe (voir Figure 11).
Figure 11 – Graphiques montrant l’application de la SVD sur la matrice X. Le graphique de gauche montre l’allure de la courbe de valeur propre en échelle logarithmique et le graphique de droite est un zoom autour de la première cassure.
On observe une cassure nette à l’indice r = 1. Cela veut dire que la méthode SVD nous donne
le choix de prendre une valeur de r inférieur ou égal à 2. Comme r ne peut pas être égal à 1 (par définition du
problème vu en Section II.2.a), nous allons choisir r = 2 dans la suite de notre raisonnement.
c)
Application de MASS-NMF
Nous avons défini dans la Section III.2.a, la matrice X et dans la Section III.2.b, le nombre
de spectres élémentaire, alors il est possible d’appliquer MASS-NMF sur notre jeu de données de
500 spectres en choisissant 2 spectres élémentaires en sortie.
III.3 - Résultats de MASS-NMF
a)
Caractéristiques spectrales
Nous pouvons observer les résultats en sortie de l’application de MASS-NMF sur la matrice
X en Figure 12.
Figure 12 – Spectres élémentaires obtenus par l’application de MASS-NMF en choisissant 2 composantes en sortie. Nous définirons le spectre rouge comme étant le spectre d’AIB correspondant à la population chimique des PAH+ et le spectre bleu comme étant le spectre d’AIB correspondant à la population chimique des PAH0 (d’après Foschino, S., 2020 [10]).
Nous pouvons remarquer que l’allure des deux spectres est différente après l’application de MASS-NMF. Les bandes centrées à 7.61 et à 11.21 µm sont les plus dominantes du spectre en haut de la Figure 12 tandis que la bande centrée à 11.27 µm domine le spectre en bas de la Figure 12. Néanmoins, nous pouvons observer des bandes plus faibles centrées à 6.21, 8.61, 12.73 et à 16.45 µm (pour le spectre rouge) et centrées à 6.21, 7.4, 7.9, 12.8 et à 16.45 µm (pour le spectre bleu). Ces caractéristiques spectrales distinctes correspondent respectivement au spectre des PAH+ (ou PAH cations) et au spectre des PAH0 (ou PAH neutres) de la figure Figure 12 (d’après Foschino, S., 2020 [10]).
De plus, on observe un décalage de 0.06 µm, vers les longueurs d’ondes plus basses, des bandes
à 11.2 et 12.7 µm du spectre des PAH+ par rapport au spectre des PAH0
. Le spectre des PAH+
présente des bandes plus marquées et plus importantes que le spectre des PAH0
entre 5 et 10 µm.
On remarque aussi que la structure est plus large pour le spectre des PAH0
entre 10 et 15 µm. La
bande à 16.45 µm du spectre des PAH+ est légèrement plus intense que la même bande du spectre
des PAH0
.
b) Comparaison avec les spectres élémentaires de Foschino, S
Nous allons maintenant comparer les spectres élémentaires des PAH+ et des PAH0 obtenus avec ISO par Foschino, S., avec les spectres élémentaires obtenus par l’application de MASS-NMF sur des données JWST de la barre d’Orion (voir Figure 13).
Figure 13 – Comparaison entre les spectres élémentaires des PAH cations et des PAH neutres obtenus par Foschino, S et dans ce stage.
On remarque que les spectres élémentaires sont assez proches et montrent des caractéristiques similaires. Néanmoins, les spectres élémentaires, obtenus par JWST-MIRI, montrent beaucoup plus de détails sur les caractéristiques spectrales entre 10 et 15 µm que les spectres élémentaires de Foschino, S., sur la même bande spectrale. On observe les mêmes caractéristiques de décalage pour les bandes à 11.2 et à 12.7 µm vers les basses longueurs d’ondes, ce qui confirme que l’on compare bien les spectres des bonnes populations chimiques. Il existe quand même de grandes différences, notamment au niveau des intensités des bandes à 7.9, 11.2 et 12.7 µm du spectre des PAH+ et des intensités des bandes à 6.2, 7.9 et 8.61 µm. On observe aussi que les bandes sont globalement plus larges et qu’il y a plus de plateaux pour le spectre des PAH0 de MIRI par rapport au spectre des PAH0 de Foschino, S.
Il est important de noter que le jeu de données de Foschino, S., vient de plusieurs régions de
l’ISM différentes et donc pas uniquement de spectres venant de la barre d’Orion comme le jeu de
données de JWST-MIRI. La diversité du jeu de données peut justifier les quelques différences des
spectres élémentaires obtenus par l’application de MASS-NMF sur X par rapport aux spectres
élémentaires obtenus par Foschino, S. On rappelle aussi (vu à la Section II.2.f) que Foschino, S.,
a obtenu 4 spectres élémentaires montrant une vraie évolution des AIBs. Or dans le cas de la
barre d’Orion, nous arrivons à extraire seulement 2 spectres élémentaires. Ceci est une preuve
que les caractéristiques des AIBs dans la barre d’Orion montrent une évolution de 2 populations
chimiques par rapport aux 4 populations chimiques extraites des observations d’ISM, de disques
protoplanétaires, d’enveloppes d’étoiles et de nébuleuses planétaires effectuées par Foschino,S.
III.4 - Distribution spatiale des spectres élémentaires
a) Ajustement par les spectres extraits pour chaque spectre du cube
Après l’obtention de ces spectres élémentaires, nous les enregistrons dans un fichier .fits. L’objectif est de montrer l’évolution spatiale des AIBs dans la barre d’Orion. Pour cela, nous allons, pour chaque spectre extrait du cube, réaliser un ajustement avec les spectres élémentaires de la Section III.3 (voir Figure 12). Il est donc possible de récupérer un spectre pour chaque pixel du cube qui est une contribution qui se rapproche le plus des 2 spectres élémentaires (un exemple de spectre est vu en Figure 14). Nous utiliserons l’outil PAHTAT, qui est une classe python développé par l’IRAP, qui permet d’effectuer un ajustement non gaussien des spectres extraits du cube.
Figure 14 – Graphique montrant les résultats d’un fit par les spectres élémentaires extraits sur un seul spectre du cube avec l’outil PAHTAT. La courbe data (en bleu foncé) représente le spectre non traité issu du cube, la courbe fit (en rouge) représente la combinaison linéaire des deux courbes AIBs (en vert et bleu clair) qui représentent la contribution de chaque spectre élémentaire pour coller au mieux avec la courbe data et la courbe noire représente le continuum.
Une fois les 6 981 spectres d’AIBs modélisés à partir des spectres élémentaires obtenus pour
chaque pixel du cube, il est possible de calculer le pourcentage de contribution de chaque population
chimique (PAH cations et PAH neutres).
b) La contribution des populations chimiques
Nous avons vu dans la Section III.4.a qu’il est possible d’obtenir la valeur des contributions pour chaque pixel du cube. Pour cela, nous allons calculer, pour chaque spectre obtenu grâce à l’outil PAHTAT, le pourcentage de chaque population chimique à l’aide des formules suivantes :
Avec AIB_{PAH+} (λ) et AIB_{PAH0} (λ) qui sont les intensités des spectres élémentaires (courbe en
bleu clair et en vert respectivement de la figure 14), fit(λ) la courbe en rouge et continuum(λ) la
courbe noire. Les constantes C_{PAH+} et C_{PAH0} sont des valeurs comprises entre 0 et 1 et reflète le
pourcentage des différentes contributions des populations chimiques. Si nous effectuons ces formules
sur les 6 981 spectres passés par l’outil PAHTAT, alors il est possible d’afficher les cartes de
contribution des deux populations chimiques (voir Section III.4.c).
c)
Résultats de la distribution spatiale
Nous appliquons, pour les 6 981 spectres du cube MIRI-MRS, l’ajustement par les spectres élémentaires extraits vu en Section III.4.a, à partir des deux spectres élémentaires de la Section III.3, puis nous calculons la contribution de chaque population chimique, vu dans la Section III.4.b. Nous obtenons donc deux cartes représentant les contributions spatiales des populations chimiques des PAH+ et des PAH0 (voir Figure 15).
Figure 15 – Résultats de la distribution spatiale des spectres élémentaires sur le cube MIRI-MRS. Les deux cartes mettent en évidence les distributions spatiales des contributions des deux populations chimiques trouvées grâce à la méthode MASS-NMF, PAH+ et PAH0 . Les deux spectres en bas des cartes 2D sont les spectres élémentaires trouvées en Section III.3. La carte 2D à droite est une image composite, qui est une superposition des deux cartes de distribution des PAH+ et des PAH0 .
Nous pouvons observer une variation de la contribution des PAH+ et des PAH0
selon la zone
dans la barre d’Orion. En effet, la contribution des PAH cations est plus dominante dans la PDR
et à l’inverse, la contribution des PAH neutres est plus dominante dans la zone moléculaire et la
zone ionisée. Nous arrivons à deviner des structures au sein du PDR comme vu dans la Figure 9
mais aussi à deviner les structures filamentaires du nuage moléculaire vu dans la Figure 9.
III.5 -
Comparaison avec les résultats de l’instrument JWST-MIRIM
a)
Les filtres MIRIM et le ratio des bandes 11.3/7.7 µm
Nous avons vu dans la Section III.5.a, que l’instrument MIRI dispose d’un mode "imageur", qui permet d’obtenir des images du ciel grâce à des filtres sur une plage de longueur d’onde. L’instrument MIRIM pourra confirmer ou non, les résultats obtenus par l’instrument MIRI-MRS. En effet, beaucoup d’articles montrent que le ratio entre les bandes 11.3 et 7.7 µm, caractérise le degré d’ionisation du milieu. Nous pouvons superposer les bandes passantes des filtres avec les spectres élémentaires des PAH pour en déduire quel filtre sera utile pour calculer ce ratio (voir Figure 16).
Figure 16 – Bandes passantes du filtre d’imagerie MIRI et spectres élémentaires, obtenus dans la Section III.3, des PAH+ (en rouge) et des PAH0 (en bleu).
Pour calculer le ratio des bandes 11.3/7.7 µm, nous pouvons donc utiliser théoriquement seulement les filtres F1130W et F770W de MIRIM. Ce ratio de filtre pourra être comparé au résultat
obtenu par MIRI-MRS (voir Section III.5.c).
b) Réalisation de la fonction d’étalement du point
La fonction d’étalement du point (ou PSF en anglais) décrit la réponse impulsionnelle d’un système. En imagerie, la PSF représente à quoi ressemble un point de l’image après être passé dans un système optique, on obtient généralement une tâche d’Airy (en raison de la diffraction). La PSF peut-être calculée pour une seule longueur d’onde donnée (monochromatique) ou un ensemble de longueur d’onde (polychromatique), typiquement les filtres MIRIM. L’intérêt est de pouvoir convoluer la PSF du filtre de plus basse résolution avec le filtre de plus haute résolution, pour obtenir une dégradation de l’image.
Dans notre cas, l’image du filtre MIRIM F770W (image en haut à gauche de la Figure 17) sera dégradée à la résolution de l’image du filtre MIRIM F1130W. Nous prenons donc la PSF de MIRIM F1130W (voir image en haut au milieu de la Figure 17), que nous allons convoluer avec l’image du filtre MIRIM F770W. L’image dégradée est obtenue au milieu en bas de la Figure 17.
Une fois l’acquisition de ces deux images ayant la même résolution, il est possible d’obtenir une image du ratio entre le filtre F1130W et le filtre résultant de la convolution (voir carte à droite de la Figure 17).
Figure 17 – Cartes de la barre d’Orion à l’aide de l’instrument MIRIM. Les deux cartes sur la colonne de gauche montrent les données observationnelles prises dans les deux filtres F770W et F1130W de MIRIM, La figure au milieu est la PSF de MIRIM F1130W et la carte en dessous montre la dégradation en résolution du filtre F770W grâce à la convolution de la PSF de F1130W par le filtre F770W. Le résultat du ratio entre les filtres F1130W/F770W, après la réalisation de la PSF sur le filtre F770W, est montré sur la carte à droite.
On remarque que l’évolution de ce ratio dans la barre d’Orion est principalement située entre 1.7
et 2.3. Une mise à niveau de l’échelle sera effectuée en fonction des résultats du degré d’ionisation
de l’instrument MIRI-MRS (voir Section III.5.c).
c) Comparaison du ratio des filtres F1130W/F770W avec le ratio des bandes 11.3/7.7
µm
Nous avons vu dans le Section III.5.a, que le ratio des bandes 11.3/7.7 µm était important pour caractériser l’ionisation du milieu. Les scientifiques du projet PHANGS (Physics at High Angular resolution in Nearby GalaxieS), étudient les propriétés des PAH dans les galaxies proches à l’aide des instruments du JWST (Chastenet, J., et al. 2022 [9]). Ils s’intéressent notamment au degré d’ionisation des PAH dans les régions HII dans 3 galaxies grâce à l’étude des filtres MIRIM. Ils montrent qu’il y a très peu d’évolution spatiale du ratio des filtre F1130W/F770W, dans les régions HII des 3 galaxies de l’article (ratio allant de 1.2 à 1.7).
Or nous avons vu, dans la barre d’Orion, une évolution du ratio des bandes 11.3/7.7 µm pouvant aller de 0.3 à 2. Nous avons comparé les cartes d’évolution des ratios des bandes 11.3/7.7 µm obtenus grâce à l’instrument MIRI-MRS, avec les cartes du ratio des filtres F1130W/F770W obtenus de MIRIM en Section III.5.b (voir Figure 18).
Figure 18 – Comparaison des résultats montrant le degré d’ionisation à l’aide des instruments MIRIM à gauche et MIRI-MRS à droite. Comme l’instrument MIRIM a un plus grand champ de vue que l’instrument MIRI-MRS, un zoom a été effectué montrant la localisation de la zone d’observation dans la barre d’Orion étudiée dans toute la Section III.1.
Nous pouvons remarquer, après un ajustement d’échelle, que l’on retrouve les mêmes structures
(filament du nuage moléculaire et délimitation région HII et PDR) dans les deux cartes montrant le
degré d’ionisation du milieu. Nous pouvons en déduire que qualitativement, il est possible d’étudier
le degré d’ionisation d’une zone d’observation à l’aide du ratio des filtres F1130W/F770W de
MIRIM. Néanmoins, les valeurs du ratio des filtres MIRIM ne sont en aucun cas égal à la valeur
du degré d’ionisation. Les valeurs du ratio obtenues par les bandes 11.3/7.7 µm de MIRI-MRS
caractérisent précisément le degré d’ionisation du milieu.
IV - Discussion
L’étude des AIBs dans la barre d’Orion a permis d’attribuer ces émissions aux molécules PAH qui se trouvent dans la PDR. Ces molécules ont une certaine géométrie, qui les rendent indiscernables spectralement. Nous savons juste que ces molécules sont composées essentiellement de carbone et d’hydrogène, car nous arrivons à observer les AIBs, qui sont les conséquences spectrales des vibrations des liaisons C-C et C-H.
Durant ce stage, j’ai eu l’occasion d’obtenir les données de la barre d’Orion, sous la forme d’un cube hyperstral venant de l’instrument JWST-MIRI-MRS. Nous avons pu sélectionner 6 981 spectres exploitables présentant des émissions d’AIBs allant de 4.9 à 17 µm. J’ai ensuite effectué un ajustement gaussien sur un échantillon de 500 spectres, pris aléatoirement dans le cube, pour ainsi isoler les AIBs et retirer les raies d’émissions des autres espèces présentes dans le milieu. Les spectres, étant de très bonne résolution sur une large gamme spectrale ont ainsi alourdit le temps de calcul et m’ont contraint d’exécuter un ajustement gaussien sur seulement 500 spectres (et non sur les 6 981 spectres sélectionnés). Une étude a été réalisée ensuite, qui confirme qu’il n’est pas nécessaire d’appliquer un ajustement gaussien sur tous les spectres du cube, mais qu’un échantillon d’une centaine de spectres suffisait pour obtenir des résultats cohérents. J’ai construit une matrice de données X, qui comporte les 500 AIBs des spectres. Dans ce rapport, il est détaillé comment fonctionne MASS-NMF notamment en couplant le calcul d’une NMF par une initialisation par MASS. J’ai extrait 2 spectres élémentaires des données MIRI-MRS, preuve d’une évolution des AIBs dans la barre d’Orion. J’ai pu identifier leurs caractéristiques spectrales et pu attribuer ces spectres à deux populations chimiques : les PAH cations (PAH+) et les PAH neutres (PAH0). J’ai discuté des différences entre les spectres obtenus par Foschino, S. sur un faible jeu de données issu essentiellement d’ISO-SWS, par rapport aux spectres obtenus par MIRI-MRS sur un grand jeu de données et de haute résolution. Pour se rendre compte de cette évolution au sein de la barre d’Orion, j’ai explicité chaque spectre du cube comme la combinaison de ces deux spectres élémentaires. Nous avons donc, pour l’une des premières fois, l’occasion d’observer spatialement les contributions de ces deux populations chimiques sur notre observation de la barre d’Orion.
Un des principaux objectifs de ce stage était de mettre en évidence le degré d’ionisation de la barre d’Orion. Grâce à l’obtention des deux cartes représentant la contribution de chaque population chimique dans la barre d’Orion, nous avons obtenu la carte du degré d’ionisation du milieu grâce au ratio des cartes PAH0/PAH+. Ce paramètre est important dans l’étude de l’ISM, car il permet d’en savoir plus sur le réchauffement du gaz et sur sa dynamique. De nombreux scientifiques du projet PHANGS-JWST (Physics at High Angular resolution in Nearby GalaxieS), étudient le degré d’ionisation des galaxies proches grâce à l’étude des PAH et aux filtres de l’instrument MIRIM (imageur) du James Webb. Ils définissent le degré d’ionisation en effectuant le ratio entre les filtres F1130W/F770W de l’instrument MIRIM. Nous avons comparé les ratios des cartes obtenues par MIRI-MRS et par MIRIM et pu confirmer que ces cartes représentent qualitativement la même chose : le degré d’ionisation du milieu. Les scientifiques étudiant les propriétés des PAH interstellaires, peuvent s’aider du ratio des filtres MIRIM ou de l’application de MASS-NMF sur les données MIRI-MRS pour interpréter qualitativement et spatialement l’ionisation dans la zone d’observation. L’étude des AIBs grâce aux données MIRI-MRS pourront apporter des informations précises sur les caractéristiques des PAH (chauffage, ionisation, diversité, dynamique, ...).
Suite au stage, la méthode d’analyse d’évolution des AIBs par l’application de MASS-NMF
pourra continuer à être utilisée pour les futures observations du James Webb sur des astres présentant des AIBs dans leur spectre. L’objectif sera de collecter un maximum de spectres d’AIBs pour
agrandir les jeux de données à partir des différentes observations du JWST et de pouvoir obtenir
des spectres élémentaires précis et ayant des caractéristiques propres aux populations chimiques
identifiées. Les spectres élémentaires, obtenus durant ce stage, dans la barre d’Orion, serviront à
alimenter la nouvelle version de l’outil PAHTAT pour l’étude plus en détail des AIBs des PAH
compatible avec les données JWST. Des études pourront être effectuées montrant la diversité chimique des populations de PAH et une meilleure connaissance sur le réchauffement du gaz par effet
photoélectrique sur les PAH dans les régions de l’ISM. Les résultats et les méthodes montrés dans
ce stage sont le début d’un travail qui sera plus approfondi en thèse.
A - Mise en évidence de la non-unicité de la NMF
Dans cette annexe, nous allons mettre en évidence la propriété de non-unicité de la NMF vu dans la Section II.2.d). En effet nous pouvons remarquer qu’à chaque fois que l’on applique la NMF sur une matrice de données (ici X), nous obtenons jamais deux fois le même résultat. Pour cela, nous allons effectuer 5 fois MASS-NMF sur un seul tirage aléatoire de 100 spectres, et observer si il y a une grande différence au niveau des résultats, dues à la non-unicité de solution de la NMF.
Figure 19 – Graphiques montrant la non-unicité de l’application de la NMF sur la matrice de données X. Le graphique en haut à gauche montre les 2 spectres élémentaires récupérés après l’application de MASS-NMF pour chaque tirage aléatoire, le graphique à droite montre la moyenne des spectres extraits de l’application de MASS-NMF et le graphique en bas à gauche montre l’erreur par rapport aux 2 spectres élémentaires moyens.
On remarque sur le graphique en haut à gauche de la Figure 19, que les résultats de MASSNMF ne sont pas uniques mais qu’en globalité ces spectres se situent autour d’un spectre unique.
Le graphique sur les erreurs confirment cette tendance et indiquent qu’en moyenne l’erreur relative
est autour de 2%, ce qui est assez faible. Néanmoins il est à noter que les résultats obtenus
dans la Section III.3 ne sont pas uniques mais qu’ils sont relativement proches pour obtenir une
solution exploitable avec une faible erreur. Comme dans la Section III.3, nous obtenons les spectres
élémentaires sur un jeu de 500 spectres à la sortie de MASS-NMF alors nous pouvons dire que ces
spectres sont justes à plus ou moins 2%.
B - Calculs des erreurs liées au tirage aléatoire
Dans cette annexe, nous allons nous intéresser à l’étude de l’erreur lié au tirage aléatoire. En effet avant d’appliquer MASS-NMF, nous effectuons 5 tirages indépendants de 100 spectres d’AIBs sur les 6 981 que nous avons sélectionnés du cube MIRI-MRS. Nous allons regarder si ce tirage influence (montre l’existence d’un biais ou non) de manière importante nos résultats de spectre élémentaire. Pour cela, nous allons faire la moyenne des 500 spectres et observer pour les 5 tirages aléatoires et indépendant, leur erreur par rapport à ce spectre moyen (voir Figure 20).
Figure 20 – Graphiques montrant l’erreur liée au tirage aléatoire des 500 spectres du cube MIRI-MRS. Le graphique en haut à gauche montre la moyenne des 100 spectres normalisés pour chaque tirage aléatoire, le graphique à droite montre le spectre moyen normalisé des 500 spectres du cube MIRI-MRS et le graphique en bas à gauche montre l’écart pour chaque tirage de 100 spectres par rapport à la moyenne des 500 spectres, qui définit donc l’erreur du jeu de données
On observe donc une erreur relative de moins d’un pourcent entre les 5 tirages aléatoires du
jeu de données. Cela montre que le tirage aléatoire influe que très légèrement voir pas du tout sur
l’erreur de MASS-NMF. Les données tendent bien vers un profil type d’AIB. Cela montre aussi
qu’il n’est pas forcément nécessaire d’étendre notre jeu de données car l’erreur est tellement faible
que cela impacterait pas l’allure des spectres élémentaires.
C - Résultats de MASS-NMF en prenant 3 composantes
Dans cette annexe, nous allons nous intéresser aux résultats de MASS-NMF en testant r = 3 au lieu de 2 composantes.
Figure 21 – Graphiques montrant les résultats obtenus par l’application de MASS-NMF sur XAIB en choisissant 3 composantes. Le graphique en haut à gauche montre les résultats de MASS-NMF sur les 5 jeux de données de 100 spectres chacun, le graphique à droite montre la moyenne des spectres extraits de l’application de MASS-NMF et le graphique en bas à gauche montre l’erreur par rapport aux 3 spectres élémentaires moyens.
Les résultats sont intéressants car l’on obtient comme dans la Section III.3, les deux spectres
élémentaires correspondants aux populations chimiques des PAH+ et des PAH0
, mais aussi un
spectre non identifié. On observe que le 3ème spectre élémentaire n’est en réalité qu’une combinaison linéaire des deux autres spectres élémentaires (PAH cations et PAH neutres). Nous pouvons
en effet le confirmer car ce spectre élémentaire ne présente pas de caractéristiques différentes par
rapport aux caractéristiques des deux populations chimiques comme vu dans la Section III.3. Cela
confirme aussi que le choix de r = 2 composantes est un bon choix dans l’étude de l’évolution des
AIBs grâce aux données du stage.
D - Estimation de la quantité de carbone émis durant ce stage
Ce stage a été réalisé à l’IRAP durant 5 mois soit 105 jours ouvrés à l’aide d’un ordinateur et du matériel informatique de base et à disposition sur place. Sachant que j’ai bénéficié de la plupart des infrastructures qui étaient mises à disposition dans le laboratoire (chauffage, électricité, eau, nourriture, service, etc), j’ai au total émis 2,2 tonnes de CO2, d’après l’analyse effectuée sur l’empreinte carbone de l’IRAP dans Martin, P., et al. 2022 [16].
Mes trajets entre mon domicile et le laboratoire ont été exécutés en voiture, qui roule au superéthanol E85, et en vélo. J’ai pu calculer mon émission de CO2 qui est de 75 kg grâce à l’outil "Labo 1 point 5 ", développé par un collectif de chercheur français visant à réduire l’empreinte carbone des laboratoires en France.
La mission JWST émet, pour 5 ans de mission, au total 300 000 tonnes de CO2 en comptant la construction des installations, la consommation électrique, le coût des lancements, etc (Knödlseder, J., et al. 2020 [14]). Sachant que l’équipe PDRs4All a reçu au total 40 heures d’observations grâce au James Webb, cela représente à une émission de 276 tonnes de CO2. Dans ces 40 heures, seulement 22,5 heures ont été attribuée à l’instrument MIRI, dont 9,1 heures sur l’observation de la barre d’Orion, ce qui représente une émission de 62 tonnes de CO2. Sachant que ces données sont réparties à toute l’équipe PDRs4All (qui compte 34 personnes du core team plus 121 collaborateurs), je peux affirmer que l’exploitation des données de la barre d’Orion avec l’instrument MIRI représente une émission de 400 kg de CO2/pers en moyenne.
Je peux donc dire au total que sur 5 mois de stage à l’IRAP à étudier les AIBs des PAH de la
barre d’Orion, grâce aux données de l’instrument JWST-MIRI, j’ai émis environ 2,675 tonnes
de CO2.
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